Depuis toutes ces années, Volodya a plus que l'habitude des longs trajets entre Stolista et les ruines de Kolowal. Il le fait presque une fois par semaine, parce qu'il n'est pas question de délaisser son pauvre père, qu'on soit ou non criminel. Et si, autrefois, ces voyages incessants l'agaçaient, ce n'est plus qu'une formalité.
Bercé par le train glissant sur les rails et le bruit monotone de leur rotation, il n'est pas rare qu'il s'endorme au bout d'un arrêt uniquement. Combien de fois a-t-il failli rater son arrêt ? Il peut heureusement compter sur Vermine qui, s'il ne roupille pas moins que lui, a une horloge interne à toute épreuve.

Ce trajet-ci ne fait pas exception. Le jeune homme n'a même pas entendu le conducteur annoncer Sankt-Duraluburg, ses paupières étaient trop lourdes. Il s'est assoupi, son Miaouss faisant de même sur ses genoux. Le voyage passerait vite, ainsi.

Mais en plein milieu d'un rêve, il se fait réveiller en sursaut. Le train s'est arrêté brusquement, et il lui faut quelques instants pour comprendre qu'il n'est pas en danger. Il aurait bien cru à un déraillement en premier lieu... Vermine aussi a besoin de reprendre ses esprits. Surpris par le bruit du coup de frein, il a bondi en feulant comme un diable. Son poil est encore tout hérissé, on croirait voir un Miaouss de Galar.

Ce n'est sûrement qu'une panne... mais en plein milieu de la toundra, si on en juge par le paysage neigeux à perte de vue. Si jamais la panne devait durer, Volodya pourrait toujours clore le reste du trajet en Cerbyllin, c'est même ce qu'il était censé faire une fois débarqué à Thunduruska. Mais avec le froid dehors... il n'a pas vraiment envie de se les geler. D'autant que Tolstoï peut bien attendre quelques heures. Ce n'est pas Volodya qui contrôle le passage des trains, merde.

Il s'apprête à se rendormir, essayant d'ignorer les pleurs des enfants paniqués. Pas évident. Et puis, Volodya n'a jamais aimé les mioches. Il en jetterait bien un ou deux par dessus bord pour se calmer les nerfs. Mais avant qu'un juron ne puisse franchir ses lèvres, quelqu'un le fait pour lui. Une Unysienne ? Du moins à en juger par sa langue et son accent. Il se retourne par curiosité et ses yeux s'écarquillent en reconnaissant un visage connu de tous les Stranaïtes.

Lady Yana ? Ici ?
La surprise s'estompe vite. Il n'y a pas trente six mille façons de traverser la toundra, si la starlette veut voyager à travers la région. Alors oui, même les célébrités ont le droit de prendre le train. Le plus surprenant, c'est probablement qu'elle n'ait pas une centaine d'admirateurs l'entourant comme un essaim d'Apitrini autour d'une fleur. Peut-être la présence d'un homme, à ses côtés, qui dissuade ceux qui pourraient le prendre pour son compagnon. Pourtant, tout le monde connait les préférences saphiques de Lady Yana. Son garde du corps, alors ? En tout cas, il n'impressionne pas Volodya, qui se penche par dessus son siège pour taper la conversation.

Madame Yana ? Vous ici ? malgré ses penchants grandiloquents, il essaie de ne pas parler trop fort et de risquer d'attirer l'attention vers la chanteuse, comme quoi même les stars n'ont pas toujours la vie facile... vous n'êtes pas pressée, j'espère. On risque de rester là belle lurette.

Il la taquine un peu, mais ne ment pas vraiment. Il ne serait pas surpris si les mécaniciens mettaient plusieurs heures à trouver ce qui cloche.

À en juger par la façon dont son visage se crispe, Lady Yana n'est pas particulièrement amusée... elle prend une longue inspiration avant de sourire. Elle n'en a pas contre cet inconnu, après tout, elle est simplement stressée par la situation. Au final, elle a l'air plutôt ouverte à papoter.

Ah ça... avec tous ces allers-retours pour le boulot je dirais pas non à un moyen de me téléporter non plus...

Mais à moins de mettre la main sur Palkia, difficile d'avoir un Pokémon capablle de franchir Strana toute entière en un claquement de doigt. Pour le moment, l'Orient Express suffira...
Et cette pauvre Lady Yana est plus dans la mouise que lui. Avec les fameux problèmes techniques des chemins de fer de la région, la voilà incapable de se rendre à son concert. Une idée germe alors dans l'esprit de Volodya, qui aurait bien continué de se prélasser pour gagner quelques heures loin du travail, mais qui aime toujours autant se mêler au gratin.

Vous avez besoin d'un chauffeur ? J'ai un Cerbyllin avec moi, j'étais censé l'utiliser depuis Thunduruska seulement, mais s'il faut rendre service à une star...

Pas sûr que le pauvre agent de la chanteuse approuve une telle décision sur un coup de tête, mais si Norma Yana est connue pour quelque chose, c'est son fort caractère de femme indépendante.

Un sourire se dessine sur les lèvres de Volodya en entendant la voix enjouée de Lady Yana accepter son offre. Son agent balbutie, mais ne fait rien pour l'arrêter. C'est une vraie tête de Tiboudet, après tout, et à moins d'essayer de la restreindre par la force... et même là, rien ne garantit qu'il ne s'en sorte pas sans quelques dents en moins.

Une poignée de main est serrée pour sceller leur accord, et après avoir marchandé avec le contrôleur, les voilà dehors. Le pauvre homme ne pouvait rien faire contre les beaux yeux d'une superstar prête à tout pour ne pas rater son concert. Il leur a gentiment indique la direction à suivre. Il suffit de longer les rails du train, aucune chance de se perdre, alors.

Heureusement, Onyx est un  bon gros Cerbyllin, il n'aura aucun mal à tenir deux humains sur son dos. Volodya monte en premier, suivi de Vermine qui s'installe au chaud dans son manteau, puis tend une main à son invitée pour qu'elle s'installe à l'arrière de la selle.

Volodya, navré de ne pas m'être présenté plus tôt. Et vous ? Puis-je vous appeler Norma ? Ça ne me dérange pas de vous appeler Lady non plus...

Et puis, quelle femme n'aime pas se faire traiter comme une reine ? Norma a même trouvé un chevalier pour l'aider dans sa quête. Bon, avec son Cerfrousse Ébène et son manteau noir, il fait plus Mordred que Lancelot, mais c'est l'intention qui compte, non ?

La compagnie de Lady Yana est agréable... mais Volodya ne peut s'empêcher d'avoir un mauvais pressentiment.
Oh, celui-ci ne vient pas de la starlette... il y a juste... quelque chose qui cloche.

Il jurerait avoir déjà vu le même panneau. Pourtant, ils galopent en ligne droite tout en suivant le chemin de fer. Aucun moyen de tourner en rond de la sorte ! Il commence à se demander s'il ne s'imaginerait pas des trucs, ou peut-être qu'il s'agit d'un rêve ?
Avant qu'il ne puisse se poser davantage de question, Onyx fait un brusque bond en avant, manquant de désarçonner ses deux cavaliers.

Onyx ?! Tu me fais quoi là ?

Mais sa colère envers le Cerbyllin ne dure pas. Son instinct de Pokémon Ébène lui a probablement fait remarquer la présence d'un spectre. Et quel spectre ! Un petit Zorua de Hisui qui le fixe, enragé de ses yeux bleus perçants, visiblement fâché que sa petite blague se soit retournée contre lui. Il n'est pas seul. Un ami Cerfrousse, probablement tout aussi espiègle que lui, se met en tête de le défendre.

Norma agit en première, envoyant une Pikachu toute vêtue de rose mettre une raclée au cerf. Cela laisse à Volodya le renard qui le dévisage comme un enfant qui essaierait en vain d'intimider d'un regard furieux. Autant dire que le jeune homme n'en a pas vraiment peur, il est plus amusé qu'autre chose.

Vermine, j'ai besoin de tes services.

En temps normal, le Miaouss aurait râlé et préféré rester bien au chaud, mais il n'a pas non plus apprécié d'avoir failli chuter du dos d'Onyx. Il est plutôt remonté contre les Pokémon qui lui ont fait une farce, et cela suffit à le motiver à se battre. Atterrissant avec élégance dans la neige, il fixe Zorua de ses yeux jaunes, sortant les griffes pour se montrer plus menaçant.

C'est qu'avec le type Spectre de son adversaire, elles ne risquent pas de se rendre très utiles.

Gentleman dans l'âme, il laisse le renard attaquer le premier. Il lui fonce dessus, mais il ne s'agit pas d'une charge ordinaire. Il attend que le matou tente de se défendre, puis lui attrape la patte dans la gueule pour le retourner sur le dos, utilisant sa propre force contre lui. Heureusement, Vermine n'est pas exactement le Miaouss le plus baraqué de l'univers... niveau morphologie, il se rapproche plus d'un équivalent félin de son maître, tout dans l'élégance, rien dans les biscoteaux.

Cette proximité lui permet au moins d'asséner une Morsure qui surprend le Zorua. Il pousse un petit glapissement de surprise, n'ose d'abord pas agir, puis use d'un Vibroscur peu efficace pour éloigner Vermine. Ses attaques Ténèbres ne sont pas très efficaces sur le matou, alors il tente autre chose. Creusant dans la neige, il disparait dans un Tunnel. Impossible de savoir où il va émerger.
Vermine en a bien conscience, alors quitte à ne rien y voir... il use d'une Explonuit, et l'air autour de lui devient noir comme une nuit sans lune. Si bien que lorsque le renard pointe de nouveau le bout de son nez, sa cible est introuvable. Et voilà l'avantage d'un Pokémon félin - ébène qui plus est, qui n'a aucun mal à se repérer dans l'obscurité. Il assène une seconde Morsure, et celle-ci suffit à rendre le Zorua suffisamment faible pour que Volodya l'interpelle.

Laisse, je me charge du reste.

Il n'avait pas prévu d'ajouter un membre à son équipe aujourd'hui, mais cette mésaventure lui a fait remarquer que les services d'un Zorua et de ses illusions pourraient se rendre utile. D'autant qu'il a l'air d'avoir un sacré caractère, et c'est comme ça qu'il aime ses Pokémon, avec une forte tête et un esprit indépendant. La Pokéball lancée se referme sans aucune difficulté.

Volodya se retourne en entendant la voix de Norma. Elle aussi vient de conclure son combat, et à en juger par la capsule dans sa main, elle a également capturé son adversaire.

Merci Lady, mais Vermine s'est très bien débrouillé, dit-il en l'aidant à remonter, désolé pour ce petit détour, quoiqu'aucun d'entre nous n'en soit sorti les mains vides.

Il s'amuse un peu à jongler d'une main avec la Pokéball du Zorua, avant de la ranger dans sa besace. Il s'occupera du nouveau venu une fois au chaud à la base.

Suivre nos traces devrait suffire à retrouver les rails... toujours partante pour Thunduruska ?

Vraiment, Norma est une personne avec qui il est facile et agréable de converser. Si, en tant que chanteuse, elle laisse Volodya plutôt neutre - ses chansons sont sympathiques et dansantes, mais il n'est pas très "pop" - il doit avouer qu'en tant que personne, il l'apprécie bien. Il gardera un bon souvenir de cette rencontre et donnera peut-être une seconde chance à sa musique.

Tout se passe si bien qu'ils semblent arrivés à Thunduruska en un clin d'oeil. Lady Yana est ravie, elle est à l'heure pour son concert alors que le train, lui, semble encore bloqué dans la toundra. Elle le remercie chaleureusement de son aide, et il lui rend son sourire avec une poignée de main. Sa petite B.A. lui vaut une invitation en loge VIP s'il lui venait un jour l'envie, et il se surprend à vraiment y penser.

Ça ne sera pas de sitôt, j'ai à faire avec le travail en ce moment. Mais j'y repenserai, ce serait un plaisir de vous revoir, Lady !

La demoiselle s'éclipse. Si elle a eu la chance de tomber sur quelqu'un qui lui a permis d'arriver à l'heure, ce serait bête d'être en retard pour lui avoir parlé trop longtemps. Elle disparait en direction de la salle de spectacle et Volodya s'étire en la voyant s'éloigner.

Il lui reste encore une bonne part de trajet... et Onyx aussi doit être bien fatigué. Le Cerbyllin repose ses pattes, couché à l'abri d'un platane.

En ce qui nous concerne, l'Orient Express est toujours bloqué dans la toundra, marmonne Volodya, on peut bien se permettre une pause café, pas vrai ?

Et lorsqu'il entendra siffler le train, il saura qu'il est temps de retourner bosser.