I can fix him (no you can't)

- OUVREZ CETTE PORTE !

Bang !

Le poing de Viktor s’écrase contre ladite porte lourde fermée, le coinçant dans cette cellule depuis… quelques minutes, mais déjà des minutes de trop à ses yeux. Une demande évidemment ignorée comme les précédentes qu’il avait hurlé depuis.

Ce qui aurait dû être un grand jour avait réussi à tourner à la catastrophe, et cela l’enrageait au plus haut point. Ces enfoirés de “collègues” qui l'avaient blessé et en avaient profité pour fuir en embarquant ses précieux cobayes pour Nebulak… Même Hippolyte avait été enlevé ! Des mois et des années de travail parti en fumée à cause de ces idiots ! Evidemment qu’il ne supporte pas être ici, à être forcé à rien faire !

Mais même de sa position, certaines choses étaient hors de son contrôle. Lorsqu’il avait été retrouvé à terre, blessé et avec la seringue de sang des saints vide à ses côtés… Tout ce qu’ils ont fait ? Lui prendre un échantillon de sang, avant de le traîner par le col et le jeter ici comme les derniers des imbéciles ! Soi-disant par “sécurité” le temps de vérifier son état et ensuite observer s'il allait avoir un don- comme un cobaye !

Il n’était pas ignorant de son passé, mais être traité ainsi ? Est-ce que Piotr en était responsable ? Rien n’est impossible avec ce fou, mais Viktor était en furie et le lui aurait fait savoir si Demikhov était là. Bah… sûrement qu’avec la disparition de son “fils” et les dégâts provoqués, il a ses soucis à régler en ce moment. Même si aux yeux de Viktor, le plus important en ce moment même serait d’essayer de retrouver 147 et 358 au plus vite- et probablement recommencer à préparer un nouveau cobaye pour qu’il devienne son assistant. Va savoir ce qu’il vont faire pour ruiner Hippolyte pour de bon…

Cette pensée l’irrite au plus haut point, mais le scientifique finit enfin par soupirer- même si son masque permet de cacher une partie de son expression et la brûlure infligée par Feliks, son regard jaune ne cache absolument rien de la rage qui bouillonne en lui. Dire qu’il est coincé ici, sans avoir de quoi bosser, juste à attendre, sans rien ! …

A part une cobaye recroquevillée qui le regarde avec peur, et qu’il reconnaît aussitôt comme 1013. Cobaye qui s’excuse dès qu’elle voit qu’elle a été remarquée.

…

Viktor finit par soupirer, se traînant jusqu’à un des bancs de la cellule pour s’y asseoir, le regard frustré baissé vers le sol et ses pieds.

- Vous n’y êtes pour rien. Épargnez-moi vos commentaires inutiles, ceux-ci ne pourront remédier à rien.

C’est sa façon à lui de dire qu’il ne veut pas de sa pitié. C’est bien la dernière chose qu’il veut- qu’un cobaye se sente mal pour lui. C’était des problèmes bien plus importants que ceux qu’ils pouvaient rencontrer ici- ils ne pourraient comprendre les enjeux ! Enfin, c’est en tout cas ce que croit le scientifique, mais en attendant ? Il est là, il est piégé à attendre qu’on décide de le sortir de là- et encore… Quand il sortira de là, si les résultats d’analyse décident de ne pas être en sa faveur, il risque bien de rentrer dans une salle d’expériences- mais en tant que cobaye.

Cela devait bien être la pire journée de son existence.

I can fix him (no you can't)

La peur qu’exprime Jodie par ses gestes ou ses expressions passent inaperçu sous les yeux jaunes de Viktor, qui ne peut que difficilement contenir sa colère, l’ayant d’abord défouler sur la porte en acier qui le séparait du reste des laboratoires- mais rien n’y faisait, même si on l’entendait, ses appels étaient ignorés. Il avait décidé de garder un peu d’énergie en se posant donc sur l’un des bancs à défaut de pouvoir sortir- au moins, il peut s’estimer “heureux” d’avoir comme camarade de cellule l’un de ses cobayes les plus dociles.

Brûlé au visage, victime d’une injection de Sang des Saints, enfermé ici contre sa volonté… il ne sait pas ce que Piotr, s’il est bien responsable, avait en tête- mais il espérait bien lui en toucher quelques mots une fois la situation résolue. Ça, et… Viktor avait des projets qu’il allait devoir bien vite remettre en place.

Notamment le cas d’Hippolyte, probablement disparu pour de bon. Quel gâchis.

Peut-être que ça sera l’occasion de le remplacer avec quelqu’un de plus intéressant… et de pousser l’expérience à pleine puissance directement pour éviter l’échec. C’était probablement le mieux qu’il puisse faire à présent- enfin, quand il pourra sortir d’ici d’abord.

Honnêtement, même si son bureau n’était pas le summum du confort, être seul et avoir de quoi travailler sous la main était bien mieux qu’être ici- et Viktor n’était pas loin de retourner lutter inutilement contre cette foutue porte de cellule qui le retient ici…

Mais la présence de la jeune femme avec lui, qui s’était approchée à présent et qui commence à poser des questions, allait l’arrêter avant même de pouvoir se lever. Le scientifique la dévisagea avec curiosité et confusion sur la raison pour laquelle cela lui importait tant, elle qui n’est qu’une cobaye- mais peut-être que cela fera passer le temps…

Urgh, se retrouver à devoir communiquer avec un cobaye, quelle mauvaise plaisanterie…

- Une grande expérience a eu lieu ici ; une qui aurait dû être un grand événement, mais… nos sujets de tests n’ont pas été à la hauteur. Cela a mené à la rébellion de quelques scientifiques qui ont donné l’occasion à ces cobayes de prendre la fuite avec eux- et ils ont même embarqué mon assistant avec. En m’injectant une dose de Sang des Saints avec, pour ne pas me laisser sans avec un dernier cadeau, tss…

La frustration s’entend dans sa voix, avec une pointe de colère, de furie, de frustration- bref, Viktor était aussi furieux des événements que d’être ici.

- Et à peine que je me réveille, on me jette ici et on me dit “d’attendre”, le temps de vérifier certaines choses. Mais je n’ai pas de temps à perdre ici- j’ai du travail qui m’attend, il faut que je trouve une façon de remettre la main sur 147 et 358, ainsi que de trouver un remplaçant à… hm, Hi… Mon assistant.

… Clairement, s'il devait avoir un “don”, celui de se souvenir des gens n’en faisait pas partie. Pas que Viktor pense en avoir développé un- il l’aurait bien vite vu sinon… non ? Mais pour l’instant, don ou pas, il est coincé. Coincé avec Jodie qui continue d’approcher et de l’observer, le scientifique se contentant de la regarder en retour sans pour autant la chasser.

Mais la proposition qu’elle lui fait soudainement ? Oh, Viktor en écarquille les yeux pendant quelques instants avant de bien vite la fusiller du regard, sa voix baissant de quelques octaves et ne cachant nullement l’hostilité qui se développe bien vite à l’idée d’être touché par un être inférieur à lui.

- Je n’ai besoin de l’aide de personne. Arrêtez de me faire perdre mon temps.

Tss, cette foutue blessure… il n’a pas eu l’occasion de la voir- mais il l’a bien senti passé. Viktor se sentait déjà mal sans son masque- mais que quelqu’un comme Feliks ait osé touché et sali son visage avec ses odieuses pattes… comment Piotr a-t-il pu laisser un tel moins-que-rien réussir à blesser des gens et à mettre le chaos dans leurs expériences ?!

Quelle saloperie !

Le scientifique, sous la frustration, plonge son visage contre la paume de ses mains pendant de longues secondes, minutes et retient de peu un sifflement de rage- tout ce qu’il avait fait, tout son travail, autant sur Nebulak que sur Hippolyte… tout avait été vain, bon sang- toutes ces heures, ces journées, ces semaines et mois de travail, parti en fumée… !

- Une fois que je sors d’ici… je ne répéterai pas deux fois les mêmes erreurs. Je ferai en sorte que Nebulak soit enfin une réussite, même si je dois traverser les enfers pour récupérer 147 et 358. Et mon assistant…

Je le briserai avant même de lui laisser l’occasion d’avoir une volonté propre !

Ces mots, d’abord des murmures, deviennent bien vite des paroles levées avec sa rage- des paroles qu’il se destine à lui-même, à quiconque peut l’entendre, levant enfin son visage de la paume de ses mains.

Sans même le voir ou le savoir, ce qui avait été auparavant marqué d’une horrible brûlure avait été partiellement effacé, comme si ce qui s'était passé était bien moindre. Comme si son visage blancs et aux traits magnifiques malgré l’être ignoble qu’il cache derrière, n’avait jamais été teinté de cette couleur noire surnaturelle- mais que seule une trace de la brûlure était resté de ce qui était pourtant une grave attaque.

La régénération par le contact de ses mains était le don qu’il lui avait été offert par le geste de Feliks- un cadeau qui le rend à la fois supérieur à bien des gens, mais qui faisait aussi de lui une chose différente des humains normaux, une chose à observer-

Un futur cobaye, probablement.

I can fix him (no you can't)

Hippolyte ?

Un instant, Viktor plisse ses yeux- il n’avait pas pu récupérer son carnet pour identifier les gens, et sans… va retrouver le nom des gens. Mais ça semblait correspondre à ce que son assistant possédait comme prénom, donc il acquiesce d’un simple geste de tête.

- Non. Il a aussi eu le droit à une injection avant d’être kidnappé. Au mieux, à l’heure qu’il est… il est sûrement mort, s’il a continué de m’être loyal et que les autres voient qu'ils perdent leur temps avec. Sinon… Eh bien, dans tous les cas, je ne risque pas de pouvoir le récupérer en bon état. Il faut se rendre à l’évidence : il aura été un véritable gaspillage de temps et de moyens. Son prochain remplaçant… je ne ferais pas les mêmes erreurs avec.

Un haussement d’épaules accompagne la fin de sa phrase. Même son propre assistant était un être inférieur- et avec la trahison vécue, même si cela n’était pas de sa faute, Hippolyte était à présent hors des projets de Viktor. Il ne serait plus utile, quoi qu’il arrive ; autant recommencer avec quelque chose de plus propre et de moins… fragile qu’Hippolyte. Et il avait un parfait chiffre en tête, un prochain cobaye qui fera sûrement l’affaire, lui.

Mais avant de pouvoir s’y mettre, il fallait attendre. Attendre que ses “collègues” se dépêchent de faire ce qu’ils avaient à faire avant de le libérer- donc, perdre son temps à devoir côtoyer celle qui n’était qu’une de ses cobayes. Et Viktor détestait se retrouver dans une situation ou son rang était similaire à ces gens-là.

Il exprime sa colère, son envie de remettre les choses en ordre- mais quand il lève enfin le visage, c’est un impact qui se fait sur sa joue et le pousse à tourner la tête sous la force et la surprise, l’une de ses mains venant immédiatement frotter la joue rouge et douloureuse victime de la claque reçue.

Tiens, tiens, voilà qu’elle se rebelle un peu… étonnant. Le regard méfiant et mauvais du scientifique se dirige de nouveau vers la demoiselle, celui-ci contenant tant bien que mal sa colère alors qu’il se lève et la toise du regard. Sa brûlure… il passe un instant ses doigts dessus- c’est vrai qu’il ne ressent plus la douleur aussi vivement qu’avant, et même sa joue qui avait pris l’impact semblait ne plus souffrir dès le moment où il avait posé sa paume dessus…

…

- Je ne serais jamais comme vous ou les autres, 1013. Mais j’imagine que c’est trop demandé à un simple cobaye d’essayer d’y réfléchir.

Jodie n’aura pas la chance de sentir la main du scientifique soigner des blessures- à la place, elle ne recevra qu’un coup de poing sur la joue, faiblard comme celui qui en est à l’origine- mais sous la colère, Viktor avait besoin de se défouler, et l’idée de redresser le cas de Jodie ferait une parfaite excuse.

- Vous n’avez pas l’intelligence nécessaire pour vous sortir d’ici. Ni les capacités, en général. La seule chose qui vous démarque des autres est votre don, et lui seul. Vous devriez être honorée de pouvoir participer au projet Nebulak avec votre pouvoir- dommage que votre intellect ne vous permet pas de le voir, apparemment.

Je me fiche d’avoir un don ou non. Tant que je sais expérimenter, que je sais utiliser la science et que j’utilise mes compétences pour mener Nebulak sur le bon chemin, je reste au-dessus de vous.

Mensonge, mensonge.

Il ne le montre pas, caché sous son égo et sa colère, mais en réalité…

Viktor sait qu’il est plus en danger qu’il veut le faire croire. Son don sera vite trouvé- Piotr sait pour le don de Feliks, et ce qu’il est capable de faire. Il sait que Jodie n’a pas la “force” de pouvoir ôter une telle blessure de ses propres mains.

Il saura bien vite que Viktor possède à présent un don assez fort pour avoir le mérite d’être étudié en détails. Même si le scientifique est un bon élément qui peut aider le projet Nebulak à avancer via ses recherches et expériences… il risquait à présent d’en faire partie en tant que cobaye, en tant qu’un être inférieur à ce qu’il est supposé être-

Et cette idée-là le terrifie autant qu’elle l’enrage.

Il ne pourra rien cacher, et devra confronter cette situation seul en espérant qu’il pourra user de ses talents de base pour essayer de convaincre Piotr de le laisser tranquille…

Mais au fond, il sait bien qu’il allait payer très cher l'acquisition de son don une fois que Piotr viendra le retrouver.  

I can fix him (no you can't)

La rouquine se sentait pousser des ailes, pour mieux frapper le scientifique à terre depuis les cieux. Viktor essaie, parle, lève le poing pour tenter de la faire taire de force- mais tout cela est inutile.

Tout ce qu’elle dit est la vérité, une vérité plus tranchante et douloureuse que toutes les immondices qu’il pourrait lui envoyer à la gueule en retour. Une vérité qui arrive à faire tomber son masque de moqueries, de cruauté… un qui révèle sa colère, son mauvais tempérament, dans le désespoir ressenti pour cacher la peur, cette peur qu’il doit couvrir à tout prix.

Il craque, sa voix se lève violemment alors qu’il utilise sa taille et sa proximité pour se montrer plus imposant, il attaque désespérément avec ce qui lui reste pour tenter de garder la face.

- LA FERME ! Je ne serais jamais comme les moins-que-rien que toi ou les autres cobayes êtes ! Vous êtes ici pour servir la science, une cause plus noble que n’importe lequel d’entre vous ne sera jamais ! C’est une chance que l’on vous donne ici- une chance que vous n’êtes même pas capable de comprendre ou d’accepter, idiots et égoïstes que vous êtes !

Mais rapidement, il lui tourne le dos, retourne vers son banc pour s’y installer, sans même chercher à regarder la jeune femme pour le reste du temps qu’il doit passer ici. Il est fatigué, irrité, tant d’énergie à s’énerver comme jamais il ne l’a été… ce n’était pas bon pour son physique fragile et peu adapté au stress émotionnel.

- Vous ne sortirez pas d’ici, de toute façon. Toute lutte de ta part ou de tes petits camarades est vaine.

Personne ne peut s’échapper aisément de Nebulak une fois entre ses griffes.

147 et 358 ne faisaient que retarder l’inévitable.

Mais Viktor… Viktor, il était tout autant dans les griffes de ce maudit projet à sa façon. Il le sait, au fond de lui.

Tout ce qu’il peut faire, à présent… c’est attendre. Attendre de voir le “jugement” rendu sur ce qu’il deviendrait, préparer d’avance les prochaines étapes de ses projets…

Attendre de voir s’il pourra survivre à présent.