tw : inceste, viol, transphobie

Contrairement à d'autres, Lev n'est pas né orphelin : il a lui-même choisi de renier son nom. C'est un nom qui appartient au passé, et le passé, il ne veut plus y penser, ni y être associé. Parce que Lev n'est pas né... Lev. On lui a donné un autre prénom à la naissance, un joli prénom sûrement, mais un prénom de fille, puisque tel était son statut à ce moment. C'était le deuxième enfant de son daron, qui avait en avait eu un autre avant lui, avec une autre femme. Si Lev connait son existence, et a fait quelques recherches pour le retrouver, les deux ne se sont probablement jamais rencontrés. Notamment parce que le père a jeté sa première femme et son premier enfant hors de sa vie, pour une seconde plus jeune, plus jolie, plus bonne. Et ils ont fait un gosse, au grand dam du pauvre gamin qui aurait préféré qu'ils se passent de lui donner vie. Malheureusement pour lui, il existe, et c'est déjà trop.

D'un côté, on avait la maman gaga, trop heureuse d'avoir une poupée... Pardon, une petite fille. C'était sa fifille chérie comme elle disait. Il n'y avait qu'elle à se soucier de l'enfant et s'en occuper dans la maison. Papa n'en voulait pas trop à la base, sauf qu'une fois devant le fait accompli, pas question d'avorter. A défaut il gueulait sur la gamine quand elle pleurait et n'hésitait pas à la frapper de temps en temps. Des coups qui n'ont fait que s'empirer au fil des années, sans que la mère ne puisse dire quelque chose, au risque de se prendre aussi quelques gifles. Donc monsieur frappait sa femme et son enfant, un charmant bonhomme en somme. Mort quand Lev avait une dizaine d'années, d'une overdose d'alcool, mais le mal était déjà fait. Le dos de la petite ? Couvert de traces de brûlures de cigarettes. Une chose dont il a aujourd'hui tellement honte qu'il le cache comme il peut.

L'école, Lev n'y est jamais allé. Parce que ses parents n'ont pas pris la peine de le déclarer officiellement à la naissance, personne n'est venu toquer à la porte de madame pour demander à ce qu'il soit scolarisé. On peut donc se moquer, il ne sait pas lire, pas écrire, et encore moins compter plus que rudimentairement. Ses talents sont ailleurs, puisqu'il pouvait traîner dans les rues, dès le début de l'adolescence il a traîné avec les petites racailles du coin. La seule fille au milieu de garçon. La seule fille qui se faisait accepter, car elle rendait coup sur coup, insulte sur insulte de ceux qui osaient les renvoyer chier. A défaut d'apprendre tout ce qu'il faut savoir pour réussir dans la vie, à treize ans Lev savait voler sans se faire prendre. Mais voler quoi, alors qu'il avait tout à la maison ? Des vêtements, principalement. Des vêtements de garçon, qu'il cachait dans sa chambre pour que sa mère ne tombe pas dessus.

Si il se faisait toujours appeler par son prénom féminin, l'adolescent s'habillait comme un garçon au sein de son groupe "d'amis". Pour mieux se faire accepter, c'était l'excuse donnée. En réalité, il se sentait juste tellement mieux ainsi que dans les jolies robes que sa mère le forçait à porter. Il détestait ses cheveux longs, il détestait sa poitrine ayant poussé entre temps, il détestait tout chez elle. Quelque chose clochait chez lui, mais il avait du mal à dire quoi. Dans un sens, heureusement qu'il n'a pas su mettre de mots sur le "problème" avant l'âge adulte, sinon les choses auraient pu être pires. En tout cas, le reste de l'adolescence, maman ne regardait pas trop ni ses fréquentations, ni ses activités, alors c'était tranquille. Lev continuait ses petits larcins avec ses camarades. Puis, le pays a été secoué par une bombe : le retour de Genya. On peut dire que ça l'affecte directement, car avec la dépénalisation de l'homosexualité, la communauté queer a fait du bruit.

Et Lev a enfin compris ce qui n'allait pas chez elle. Maman allait être déçue, elle qui adorait sa fifille chérie. Si seulement ça avait juste été ça, peut-être qu'il n'aurait pas aussi mal tourné. Mais l'annonce de "je suis un garçon" s'est très mal passée. A vrai dire, il a fait son coming out, habillé pour la première fois devant sa mère comme un garçon... Puis ne se souvient pas vraiment de la suite. Elle a gueulé, beaucoup pleuré, et l'a roué de coups, au point de le faire tomber presque inconscient. La femme n'a jamais accepté que sa fille soit autre chose. En reprenant ses esprits, Lev s'est rendu compte qu'elle l'avait attaché à son lit. Combien de temps a-t-il passé ainsi ? Il ne sait pas exactement, mais ça se compte en mois. Des mois de recherche pour sa mère, sur les fameuses thérapies de conversion, pour que sa fille redevienne normale. Des mois où Lev a été séquestré dans sa chambre, à peine nourri, sans que personne ne se soucie de son existence. Forcément, puisque officiellement, il n'existait pas.

Il y avait les insultes, les prières journalières à Arkae, mais surtout, les rapports forcés. Pour lui apprendre ce qu'était une vraie femme, quelle était sa place. Parfois c'était maman elle-même, parfois c'était des hommes qu'elle faisait venir pour ça. Lev avait beau hurler et se débattre, ça ne changeait rien. Des mois d'enfer, qui n'ont au final servis à rien, le résultat était toujours le même : il n'était pas une fille. Plusieurs fois il songea à dire à sa mère ce qu'elle voulait entendre, mais c'était trop dur d'aller contre sa propre identité. Finalement, la femme fit une erreur, qui lui coûta la vie : laisser la pokeball de Matriochka à portée de Lev. Il libéra la dragonne, qui entendant des cris, se mit à attaquer ce qu'elle identifiait comme une menace. La mère de Lev donc. Ses attaques touchèrent un peu ce dernier, mais au moins il était libre. Et un meurtrier en cavale, cependant c'était le cadet de ses soucis. Emportant la trioxhydre avec lui, il prit la fuite, sans trop savoir où aller. Comment se débrouiller pour échapper à la police ?

Honnêtement, la team stal, c'était une nécessité à la base, histoire de passer sous les radars. Mais il a vite découvert que c'était un endroit sûr, où il pouvait être lui-même. Rien qu'en arrivant, il put donner un prénom totalement différent, et se couper - pour ne pas dire s'arracher - les cheveux. Le médecin en chef là-bas, qui avait été dans le même cas avant, lui donna un traitement hormonal et un bon patpat sur la tête. Très vite Lev se sentit à la maison au sein de la team, les autres membres n'avaient aucun mal à le considérer comme ce qu'il était. D'autant que les compétences apprises dans la rue lui servaient de nouveau. Son premier vol fut un chacripan, pris à un gars qui la maltraitait - on comprend vite pourquoi Nini adore son nouveau dresseur.

Lev, on le connait pour être une forte tête, un rebelle, et pourtant intérieurement il faut avouer qu'il est un peu mort. Rien ne le motive vraiment, rien ne l'intéresse hormis quelques passions très spécifiques. Mais ça, personne ne s'en doute quand on le voit rire fort et faire la grande gueule. Les camarades l'apprécient, c'est réciproque, les stals c'est vraiment la famille. La vraie. Même si il a toujours une fratrie quelque part, et que peut-être un jour il essaiera d'aller nouer un lien avec. Il ne sait pas trop encore, c'est qu'il a un peu envie d'oublier le passé. Pas pour rien qu'il se présente comme un Isola. Aller voir Nikita ? Non non, il n'a pas besoin de ça.