L’arrivée de Volodya est un cheveux sur la soupe. Cassandre panique en constatant sa présence et cache toute parcelle de peau cicatrisée qui peut l’être. Il n’a pas envie de montres ce genre de chose à qui que ce soit, certainement pas à Volodya qui s’amuserait sans doute à lui dire que « c’est trois fois rien par rapport à ce que j’ai subi, tu sais ! », une connerie du genre qu’un « camarade », un certain Boris, lui a déjà sorti quand il a bêtement pensé que se confier à lui était une bonne idée.

Et bien ce camarade n’est plus de ce monde. Oh, Cassandre ne l’a pas tué, pas vraiment. Il n’a juste « pas réussi » à arrêter l’hémorragie sévère par « manque de matériel » lors d’une mission sauvetage. Livre a bien vu qu’il ne faisait rien pour ce pauvre gusse, alors il a fallu s’expliquer et c’est avec un soupir teinté d’amertume que Livre avait alors confié à Cassandre ce que serait sa « seconde mission ». Il serait un Ange de la Mort et buter ceux qui en savait trop faisait partie du deal.

Du jour au lendemain, Boris avait disparu de la team.

Et maintenant, c’est Cassandre qui avait envie de disparaitre. S’étouffer dans sa couverture ou une mort du genre. Il ne bouge pas en tous cas, comme un gamin frigorifié sous sa couette. Cette position commence à être douloureuse, elle tire sur les points de sutures et Cassandre ne peut s’empêcher un rictus de douleur. Mais si il y a bien une personne à qui il ne veut pas montrer ça, c’est Volodya. Par amour ou par fierté ? Par désir de paraitre pas trop cassé pour servir à quelque chose dans la vie du binoclard… Quelque chose comme ça.

Les tentatives de blagues lui font plus mal qu’autre chose. C’est con, Volodya s’en foutrait surement de ses cicatrices, mais pas lui. Parce qu’il n’a pas pu accepter ce qu’il lui est arrivé, à lui et à sa famille, d’où la colère sourde, d’où l’explosion enragée et les bagarres qui s’en suive. Mais Cassandre est un crétin altruiste et généreux, cette violence ne lui plaît pas et il ne la tolère que par fierté. Sauf que cette fois-là c’était différent.

Il a vu le regard de son père dans celui de Volodya. C’est ça qui lui a fait perdre contrôle. Voilà pourquoi il évite donc de recroiser ce regard qui le répugne autant qu’il le terrorise. Il a peur de ce qui pourrait se passer si leurs regards s’échangeaient. Et de toute façon, il n’a pas envie de bouger, les couvertures enserrées autour de ses bras, il est hors de question pour lui de faire autre chose que le minimum syndicale.



Souffle-t-il d’une voix tremblante et à peine audible.

L’envie étrange que Volodya reste entre directement en conflit avec celle qui veut qu’il s’éclipse et lui foute la paix. C’est après une seconde longue période de silence qu’il finit par murmurer des excuses.



…Et j’ai eut envie de me foutre en l’air car l’idée est née dans ma tête que je pouvait être comme mon connard de père. Voilà ce qu’il pourrait ajouter mais ça reste coincé dans sa gorge et il se replie un peu plus sur lui-même. Livre le disputerait sans doute, cette PLS n’est pas idéale pour cicatriser son dos.



Et après un court silence, il ajoute d’un air hésitant.



Mais Volodya s’était entêté à venir le ramener par la peau du cul. Il s’était mit dans la merde tout seul, devait-il s’excuser ? Il n’en savait plus rien mais baissa tout de même les yeux, honteux. L’envie honteuse lui vient de se saisir du moindre objet tranchant et de se punir d’avoir orchestré un tel fiasco. Fort heureusement pour sa peau déjà bien zébrée, Livre semble avoir prévu cette option et rien ne semble fait pour le blesser autour de lui.

Il pourrait bien arracher la perfusion mais… Non, il n’en a pas l’envie. Pas assez en colère pour ça, juste en détresse. Et le pire, c’est qu’il y a tellement de facteurs dans cette souffrance qu’il ne saurait en expliquer la nature exacte. Volodya devra faire avec des explications plus que vagues si il veut en savoir un peu plus…
         
         Halloween

Il écoute Volodya en silence, grimace encore quand ce dernier parle du poing qui lui a foutu dans la gueule. Mais il profite également que l’attention de son ami soit ailleurs pour se relever en position assise, enroulé dans sa couette qu’il serre presque maladivement autour de lui.



Il s’interrompt. Que voulait-il que Volodya fasse dans le contexte d’une mission où ils doivent tous les deux revenir en un seul morceau. C’est totalement logique. Non, l’erreur vient de lui et il va devoir s’expliquer. Il se recroqueville un peu et resserre sa couette autour de lui, comme si le froid glacial de la Toundra Bolshoï était entrée dans l’infirmerie. Après quelques moments à contempler le vide et à sans doute donner l’envie à Volodya de se casser, il finit par prendre parole d’une voix qu’il veut claire et net mais qui ne fait qu’à moitié le job.



Il se souvient très bien de la soirée où, furieux après une dispute politique assez violente, Cassandre avait giflé sa propre mère. Pour la traiter de « pute de la tsarine », de « salope » et d’autres termes variés. Il n’a jamais pensé aucune de ces choses, il est même admiratif que sa mère réussisse à tempérer l’extrémisme impérialiste de cette connasse de Tsarine. Dire toutes ces horreurs l’avait soulagé sur le coup, le même petit pic de plaisir que quand il avait vu les quelques gouttes de sang s’échapper de la bouche de son binôme après l’avoir frappé.

Puis directement après, la réalisation, le choc, le malaise et le désespoirs.



Un petit rire sans joie. Et dire que de tous les enfants que Josef Arseniev a eu, c’est le Moumouton noir de la portée qui ressemble le plus au paternel. L’idée le ferait sourire si elle n’était pas horrible.



Après avoir laissé Volodya donner ses explications sur le pourquoi du comment concernant la conclusion de cette mission, Cassandre hoche silencieusement la tête. Un petit sourire mi-triste, mi-soulagé se dessine sur ses lèvres.



Il reste songeur un instant avant de prendre une grande inspiration et de vider son sac concernant leur relation qui part totalement en couille.



Il se renferme sur lui-même, se roule presque en boule en enfouit son visage entre ses genoux tremblants.



Question débile, bien sûr que non, il ne doit pas comprendre. Les connards, il sait s’en charger avec le sang froid nécessaire à son job. Cassandre, lui, il pète une pile ou un tout ou pour un rien. Un véritable jeu de roulette Stranaïte. Bien que la religion soit « l’opium du peuple », il lui arrivait de prier pour que ça s’arrête.

Maintenant que Volodya a été victime d’une de ses crises, les prières vont redoubler. Ainsi que les heures supp’ auto-infligées du travail. Du moment qu’il sera concentré sur autre chose, tout ira bien. Il pourra même demander à Irina et Artyom de participer à leurs entrainements matinaux si ils sont d’accords.

Moins il pensera, mieux il se portera…
         
         Halloween

Cassandre esquisse un maigre sourire aux paroles de son ami. Oui, un ami, Volodya l’a toujours été, malgré les bagarres et les disputes. Si il ne l’était pas, il ne s’en voudrait pas horriblement de lui avoir foutu son poing dans la gueule. Et à en voir le scepticisme du binoclard, il ne sait clairement pas à quel point l’albinos peut aller « plus loin ». C’est un murmure qu’il lance, ne sachant pas trop si il a envie d’être entendu ou pas.



Il se souvient clairement de la scène et ravale quelques larmes, même si ça n’empêche pas d’autres de couler sur ses joues en silence. Louison est un petit frère en or, il ne lui en a jamais voulu et Cassandre ne comprends pas pourquoi. Il finit par ajouter avec amertume :



Enfin, un maigre sourire se dessine sur ses lèvres, malgré tout lorsqu’il entends Volodya dire que Monsieur Tolstoï s’est rendu compte de la connerie du concept de sa mission. Le Boss est intelligent mais parfois, il peut faire preuve d’une connerie sans pareils avec ses sbires. Pourtant, il donne l’impression d’aimer chacun d’entre eux, c’est un peu paradoxal quand on sait qu’il n’hésite pas à les envoyer au casse-pipe. En tout cas, il sait qu’il va passer un sale quart d’heure à devoir s’expliquer, Tolstoï ne sera pas aussi doux que Volodya sur la question.



Souffle-t-il avec un petit rire timide.

Puis Volodya se confie et même si ce qu’il dit fait serrer les dents à Cassandre, par envie de casser la gueule à cette famille de cassos, il est profondément reconnaissant envers le binoclard pour lui confier tout ça. Il ose enfin croiser son regard, Volodya n’a jamais aimé ce genre de conversation, il est tendu comme la corde d’un arc, ça se lit comme un livre sur son visage.



…Mais tout est injuste dans ce putain de pays. C’est ce qu’il manque d’ajouter mais il se tait, Volodya le sait autant que lui mais a accepté de faire avec, pas lui. Lui veut un monde meilleur, un monde où tous auraient leur place. Un monde dont le binoclard ne veut pas et Cassandre le comprends plus ou moins. Il n’en comprends pas la raison mais il comprends que c’est un choix à respecter. C’est tout.

Les larmes lui montent une fois de plus aux yeux lorsque Volodya lui parle de sa mère et de Louison. Livre lui a déjà dit à quel point il était important pour lui, même si il exprime ça par « t’es nécessaire à ma pause clope », il sait bien qu’il est plus comme un fils pour le médecin. Et il considère Livre comme un père également, le père qu’il aurait dû avoir.

Mais sa mère et Louison c’est différent, il leur a fait du mal, il les a blessé et ils sont toujours là à s’inquiéter pour lui. Ivy a fait le bon choix, lui, il l’a renvoyé chier dés qu’il a apprit pour ses penchants communistes. Ça a fait mal, très mal, mais Cassandre pense l’avoir accepté depuis. Si seulement ça pouvait être le cas du reste de sa famille, il pourrait agir sans avoir la culpabilité aux tripes.

Puis Volodya lui avoue qu’il le considère toujours comme un ami, qu’il ne veut pas le voir crever, qu’il « est un con mais pas un connard ». Cassandre aurait éclaté en sanglot si cela n’aurait pas mit son ami complètement mal à l’aise. Il préfère se retenir et esquisser un sourire larmoyant.



Peut-être que… Peut-être que Volodya comprendra si il lui montre. Peut-être qu’il ne sera pas comme Boris, peut-être qu’il cessera de vivre avec cette honte permanente et qu’il pourra un jour retrousser ses manches sans peur d’être surpris par quelqu’un. Après un court silence, il vient fixer Volodya, yeux dans les yeux, comme si il cherchait une réponse à sa question muette.

Puis il soupire et demande timidement.



Il laisse Volodya hocher silencieusement la tête, avec une pointe d’hésitation, on dirait. Cassandre prends une grande inspiration et laisse tomber un pan de la couverture pour laisser voir son bras droit tremblant encore sous l’effet de l’anesthésiant. Couverts de cicatrices, plus ou moins anciennes, plus ou moins récentes.



Il retourne se cacher sous sa couverture et baisse la tête, mi-honteux, mi-soulagé de ce qu’il vient de faire.



Un rire sans joie avant que son visage reprenne un ton morne. Presque désespéré, dans tous les cas, fatigué.



Après tout, il n’a pas hésité une seconde a foutre sa vie en l’air, ses études de médecine et sa place aristocratique bien au chaud et à l'abri du besoin pour s’enfuir avec lui au sein de la team Stal. Pour être avec lui ou pour s’assurer qu’il aille bien ? Peut-être un peu des deux.

Peut-être, sans aucun doute, même, que c’est plus que de l’amitié. Mais ça, Cassandre le garde pour lui.
         
         Halloween

Cassandre laisse s’échapper un rire mi-franc mi-amer lorsque Volodya lui décrit son frère aîné comme un coincé. Il n’a pas tort… En fait il a même tout à fait raison. Mais Ivy a toujours prit sur lui pour défendre Cassandre, il a vraiment fait tout ce qu’il pouvait. Mais même ça ce n’était pas assez, l’albinos aime beaucoup son frangin mais il ne peut s’empêcher de lui en vouloir pour ça. C’est con pourtant, il n’était juste pas là au bon endroit au bon moment…



Souffle-t-il en baissant la tête, un petit sourire triste dessiné sur les lèvres. Ses poings se serrent, plus pour s’empêcher de pleurer une nouvelle fois que pour toute autre raison. Bien sûr, Volodya ne trouve rien de surprenant à ses scarifications, c’est plutôt logique même. Ouais, quand on y réfléchit, Cassandre est bien le genre de type à se faire ce genre de truc. Constamment en colère mais trop gentil pour défouler pleinement ce sentiment envahissant sur quelqu’un. L’idée lui naît, l’espace d’un court instant, que ce serait plus simple si il passait sa colère à tuer, genre, pour de vrai. Pas juste en laissant un mec se vider de son sang.

Et pendant un instant tout aussi court, l’idée lui plaît étrangement.

Puis il revient à lui-même et secoue la tête, il doit vraiment être crevé pour penser à des trucs pareils, sérieusement. Enfin, ce n’est pas important. Volodya commence un monologue assez… Humiliant pour Cassandre, soyons honnête. Il n’aime pas être celui qu’on plaint mais bon, il a choisit lui-même comme un grand de montrer sa faiblesse à son ami. Il regrette un peu et même si il n’en dit rien, ça doit se lire sur son visage.

L’albinos émet quand-même un faible rire.



Nikita c’est l’image même du « le cordonnier est le plus mal chaussé », toujours dans l’ombre de son frère médecin prodige. Lui est « juste » psychiatre et même si ses méthodes novatrices ont leurs résultats, elles lui ont couté bien des moqueries et du mépris de la part des universitaires de Thunduruska. Cela devrait être difficile de le convaincre de reprendre le poste, mais pas impossible.

Lorsque Cassandre sort de cette pensée, il finit par soupirer et par ajouter d’une voix maussade :


         
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Cassandre ne peut s’empêcher de pouffer de rire en entendant Volodya râler à propos de Nikita. Oh, il a de bonnes raisons de le faire mais Cassandre a aussi de bonnes raisons de penser que Nikita n’est pas le même type d’alcoolique que ceux qu’à pu croiser son ami dans sa triste vie. Il se contente juste de hausser les épaules et de lancer en mode moitié-blague, moitié-sérieux :



Si Volodya savait le nombre de fois où Cassandre a tenté d’être alcoolique, il serait sans-doute outré. Mais bon, l’albinos était jeune et con et il s’imaginait que c’était un bon moyen pour oublier tout le bordel qu’il y avait dans sa tête. Mais pas moyen, l’alcool est tellement dégueulasse qu’il vide ses tripes avant de finir ivre. Autant dire qu’il a vite abandonné l’idée.

Puis bon, avec le temps, la maturité est venue et il s’est dit que la clope, c’était déjà bien comme addiction, pas besoin d’en rajouter.

Volodya râle sur son entêtement à vouloir retourner travailler le plus tôt possible, il soupire et hausse les épaules. C’est comme ça, il a besoin de faire quelque chose de ses dix doigts, il ne peut pas juste se reposer et ne rien faire. Ce n’est pas possible et il sait qu’il n’est pas le seul dans ce cas au sein de la team. Peut-être une preuve qu’il n’est pas le seul à ne pas vouloir rester seul avec ses propres pensées. La team Stal est vraiment une déchetterie à personnes brisées mentalement, il faut croire.

L’idée le fait étrangement sourire. Et le commentaire de Volodya ne fait qu’accentuer ce sourire, il se gratte la tête d’un air un peu gêné en pouffant de rire.



La fatigue lui tombe dessus comme une véritable brique en pleine gueule et il se retrouve à devoir retrouver sa place dans son lit, enfouis sous les couvertures, non sans quelques grimaces de douleur dans le processus. C’est que ça fait vraiment mal de bouger avec ses conneries de plaies qui zèbrent son dos.



Souffle-t-il en se couvrant le visage. Volodya doit comprendre qu’il est temps de laisser Cassandre dormir car il l’entends bouger. Ou peut-être qu’il va chercher Livre… Il n’en sait trop rien. Toujours est-il qu’en entendant la porte grincer et son ami commencer à formuler un « à plus tard », il l’interrompt bien vite.



Mais rien ne sort de sa bouche, aucun son, un blocage. Ça ne veut pas sortir de sa gorge. Il serre les dents et manque une nouvelle fois d’éclater en sanglots. Il fait de son mieux pour ne pas le montrer et préfère opter pour un soupir fatigué.



Et sur cet échec, il se laisse porter par le sommeil réparateur. Il a intérêt à bien se reposer si il veut se remettre de ses blessures au plus vite.
         
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