notes

Elle était étalée sur son lit, inerte, à regarder le plafond de sa chambre. Genya avait refusé de la laisser rentrer au manoir Aliokhine depuis qu’elle avait entendu parler de cette affaire de blessure trop vite cicatrisée. La jeune femme avait une boule au ventre, craignant la suite des évènements sans trop comprendre pourquoi, elle avait fait les cents pas, essayé de lire pour se changer l’esprit ou même écrire quelque chose, n’importe quoi mais rien n’y faisait. Elle se sentait comme avec une épée de Dimoclès au-dessus de la tête.

L’esprit dans le vide, elle ne pensait à rien et lorsque quelque coups se firent entendre contre sa porte, elle revint à la réalité dans un sursaut. Se redressant bien vite, Agrippina se frotta les yeux comme si elle sortait d’un long sommeil et remit un peu en place sa robe, remontant son décolleté qui avait laissé apercevoir son immonde balafre sur la poitrine. Une nouvelle quinte de coups se fit entendre pendant ce temps, agaçant légèrement l’albinos. Elle n’aimait pas spécialement les gens impatients.

« Oui, oui, j’arrive ! » Lança-t-elle, agacée.

Et avant même qu’elle ne puisse toucher la poignée de la porte, celle-ci s’ouvrit à la volée. La jeune femme sursauta une nouvelle fois et fit quelques pas en arrière, surprise, tandis que Dahlia avait bondit devant elle comme pour la défendre. Toutes deux se retrouvèrent bien penaudes de constater que l’invité surprise n’était autre que le Capitaine de la Garde Impériale. Il avait un air indéchiffrable mais ce n’était pas son air neutre habituel, quelque chose n’allait pas et avant même qu’elle puisse lui poser quelque question que ce soit, il la tira contre lui pour l’enlacer comme si sa vie en dépendait.

Oh, en temps normal, elle ne refusait jamais ce genre d’étreinte mais celle-là en particulier fit monter son anxiété en flèche si bien qu’elle repoussa Igor presque par réflexe, ne regrettant son acte qu’une fois celui-ci accompli. Elle s’apprêta alors à s’excuser mais c’est la voix du brun qui raisonna dans la pièce en premier.

« D-Désolé, je ne devrait pas être ici, je… J’ai du travail… »

Elle chercha un moment à croiser son regard, peine perdu, les yeux du Capitaine esquivait ceux de la jeune femme qui déglutit avec difficulté, de plus en plus mal à l’aise. Mais avant qu’il ne puisse sortir par la porte qu’il avait lui-même ouvert en grand, Agrippina se faufila rapidement pour lui fermer au nez et se placer devant celle-ci, croisant les bras d’un air sévère.

« Oh non, certainement pas, tu va m’expliquer ce qu’il se passe tout de suite ! »

Sa voix était plus animée par la peur que par l’agacement et elle agissait d’avantage par panique que par toute autre émotion. Les derniers jours passés n’avaient pas été cléments avec ses nerfs et ils menaçaient de lâcher à tout instant. Alors si Igor refusait de se confier à elle et lui tournait le dos, ce serait finit. Il dû le comprendre à son regard car il ne chercha aucunement à la faire changer d’avis. Non, il fut seulement parcouru d’un long frisson avant de tomber à genoux, venant rapidement se cacher le visage entre les mains par pudeur.

« J…J’ai échoué… » Souffla-t-il seulement.

Aussi confuse que coupable, Agrippina resta muette un instant avant de s’avancer vers lui et de se baisser à sa hauteur. Encore une fois, elle chercha à capter son attention, son regard, mais une fois de plus, elle était confrontée à la fuite. Tentant le tout pour le tout, elle posa sa main sur celle d’Igor.

« Regarde-moi. » Souffla-t-elle. « Tu n’as pas à me les cacher, tu le sais. »

D’un geste tremblant, Igor baissa ses mains, laissant apparaitre un visage tordu par la détresse et marqué de quelques larmes. Essayant de réprimer son sentiment de panique, Agrippina souffla doucement et demanda d’une voix faible.

« Que se passe-t-il ? Quelque chose… Est-ce que quelque chose de grave est arrivé ? Dis-le moi. »

Après un moment de silence, Igor se confia enfin. D’une voix aussi tremblante que celle de sa compagne, il raconta les évènements de la journée. L’humiliation de la collaboration imposée avec Anastasia Isola qui venait bousculer la stabilité de sa position au gouvernement. L’obligation de lui confier des dossiers confidentiels dont la Garde Impériale perdait la garde et pour finir... La bêtise de Vania. Oh, Igor n’était pas en colère contre lui, au contraire, son courage lui aurait bien arraché un sourire fier si la situation n’était pas catastrophique.

« Je ne peux pas le défendre… Plus maintenant… » Souffla-t-il en réprimant d’autres larmes indésirées. « …Je ne peux plus défendre personne. J’ai perdu la confiance de la Tsarine, j’ai perdu le pouvoir que j’avais… Agrisha, dis-moi… Quelle a été mon erreur ? »

Inutile pour Agrippina de se poser plus de questions. Les nerfs d’Igor avaient lâchés suite aux moqueries de la cour face au comportement de son fils et sans doute aux menaces à peine dissimulées de la Tsarine à ce sujet. L’albinos secoua la tête avant de venir enlacer son compagnon, posant la tête contre son épaule.

« Tu n’as pas fais d’erreur, pas à mes yeux. » Répondit-elle du mieux qu’elle put. « C’est cette garce de Tsarine qui t’a trahi. »

Il y eu un court silence avant que le ricanement amer du brun ne se fasse entendre. Oh, Agrippina savait d’avance ce qu’il allait dire et elle s’apprêtait déjà à sortir de ses gonds. Il ne fallait pas la lancer sur ce sujet.

« Trahir un traitre, qu’est-ce qu-… »

Comme prévu, l’albinos se redressa, prenant le visage du Capitaine entre ses mains et lui jetant un regard des plus sévères.

« Oh, arrête avec ça ! Tu as fais ce qu’il fallait faire pour survivre, tout comme moi ! Je ne vois pas en quoi c’est une excuse pour te malmener, de plus ! Tu lui a déjà prouvé ta loyauté plus d’une fois, il me semble, non ? Combien de journées auprès de ton fils ou auprès de moi as-tu sacrifié pour rester à ses ordres ? » Ce fut à son tour de laisser s’échapper un rire amer. « Si tu es un traitre, je suis une pute… Un traitre et une putain, on forme un beau couple, non ? »

Avant qu’elle ne puisse en dire plus, elle sentit deux bras l’enlacer, se retrouvant serrée contre Igor, elle enfouis sa tête contre sa poitrine et se laissa aller à sa propre détresse. Elle refusa pourtant de se confier, l’heure n’était pas aux lamentations mais au soutien infaillible.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire… » Pesta Igor à travers des sanglots qu’il tentait avec plus en plus de mal à dissimuler.

« Alors ne le dis pas ! » Gémit presque la jeune femme. « Pourquoi serait-tu le seul à avoir le droit de te renier ainsi ? »

Il y eu un nouveau silence, Agrippina s’aperçut qu’ils tremblaient tous les deux comme si ils étaient au milieu de la toundra. Comme pour répondre à la détresse d’Igor aussi bien qu’à la sienne, elle le serra un peu plus contre elle. Ils eurent la bonne idée de murmurer « pardon » en même temps. Quel beau duo d’abrutis…

« …Bon, de toute façon… Tu n’es pas en état de retourner travailler alors… Reste ici, s’il-te-plaît… Je n’aime pas te voir comme ça… »

Pour toute réponse, Igor la prit dans ses bras, la soulevant du sol pour venir la déposer sur son lit comme si elle était la Belle au Bois Dormant en personne. Une fois cela fait, il vint simplement s’allonger à ses côtés en soupirant.

« J’ai juste besoin d’un peu de sommeil… Vania va sans doute venir me voir pour cette histoire d’exposé, je ferais mieux d’être préparé… »

Agrippina esquissa un sourire en se relevant un peu pour venir se coucher tout contre lui. Les yeux mi-clos, elle sentit bientôt un main lui caresser doucement les cheveux et aurait ronronné si elle avait été un Poussacha.

« Juste l’histoire de quelques minutes, Agrisha… »

Elle hocha silencieusement la tête, se jurant de ne pas trop profiter de la situation. Mais il était si rare qu’Igor accepte de rester qu’elle ne pu s’empêcher de croiser les doigts se faisant cette promesse. Lorsqu’ils se réveilleraient plusieurs heures plus tard, Igor serait sans doute affolé mais au moins, il aurait eu le droit à de bonnes heures de sommeil réparatrices. Et elle aussi, elle pourrait enfin s’assoupir sans se réveiller en sursaut, persuadée qu’un prédateur se jetterais sur elle.

Tant qu’ils étaient ensemble, tout irait bien.