Milivoj n’est pas en panne d’inspiration, l’inspiration ne le quitte jamais tout ce qui lui manque c’est une muse. C’est ce qu’il se dit, assis au comptoir de la boutique, son cahier de croquis ouvert à côté de son répertoire qu’il feuillette presque maniaquement. Il cherche dans ses clientes celle qui aura l’honneur de prétendre à sa nouvelle collection, une plus printanière avec les jolies étoffes qu’il a reçu dernièrement. Mais voilà, malgré un registre de femmes toutes plus belles que les autres, le designer ne trouve pas là son bonheur.

Devrait-il organiser un casting ?

Alors qu’il considère sincèrement l’idée, voilà que la clochette du magasin retenti et qu’il se relève automatiquement pour accueillir Yuri Potiomkine en personne, de quoi le faire sourire d’autant plus que celle-ci, ou celui-ci ? Il n’a jamais trop compris mais puisqu’on complimente son travail et que l’on lui offre une telle occasion de se faire encore plus connaître, il est prêt à apprendre ces histoires de genre. Est-ce que ça entacherait sa réputation ? De travailler avec une icône queer ? Il préfère ne pas y penser, pas alors qu’il a le parfait modèle androgyne pour s’amuser à casser les codes.

▬ Bien le bonjour, ce serait un honneur de travailler pour vous.

Une petite révérence et il s’abstient d’un baiser sur la main, préférant à la place tendre ses mains pour récupérer les tenues que le champion lui a ramené. Curieux du pourquoi du comment, le blond ne tarde pas à reprendre la parole.

▬ S’agit-il de références ? Ou souhaitez-vous partir sur quelque chose de complètement nouveau ?

Demande donc le designer alors que ses doigts parcourent les vêtements pour inspecter les tissus et leurs détails. Avant de se rappeler qu’ils seraient bien mieux dans le showroom pour discuter. Il relève donc la tête, toujours un sourire poli étirant ses lèvres, indiquant d’une main à sa cliente une pièce sur le côté.

▬ Dans tous les cas nous allons reprendre vos mesures, suivez-moi je vous prie.

Le showroom est tout aussi bien décoré, il possède une cabine derrière un rideau travaillé, une estrade entourée de miroirs ainsi qu’un canapé pour accueillir d’éventuels accompagnants. En somme toute, on se croirait presque dans un lieu d’essayages de robes de mariées. Le couturier accroche les tenues sur un portant et le voilà prêt à aider Yuri à prendre place sur l’estrade.

S’il a le feu vert pour quelque chose de tout à fait grandiose pour le costume de scène de la championne, il considère aussi l’avoir pour ses tenues de tous les jours. C’est bien là le problème quand l’inspiration lui prend aux tripes, il lui est impossible de la faire taire. Il saura essuyer des refus même si, clairement, ce n’est pas une option qu’il considère. Et quand son client laisse échapper un petit rire, Milivoj redresse la tête avant de lui sourire face à ses excuses.

▬ Si cette pensée amusante peut aider mon travail, n’hésitez pas à me la partager, sinon vous êtes libre de garder vos petits secrets.

Qu’il la rassure en sortant son mètre, prêt à commencer son travail avant que Yuri ne lui pose une question qui l’arrête net. Si le blond ne voulait pas y penser, voilà qu’on lui demande de le faire et surtout de répondre. Il choisit donc ses mots avec délicatesse avant de reprendre la parole, un sourire fin étirant ses lèvres.

▬ Stressé ? Ce n’est pas le mot que j’emploierais.

Commence-t-il tout en commençant par prendre son tour de cou et de descendre petit à petit en lui faisant tendre les bras pour la longueur et le tour. Des mensurations sublimes qui lui font pétiller le regard. Voilà sa nouvelle muse, la future égérie d’une collection androgyne.

▬ Disons qu’il y a une certaine excitation à proposer quelque chose de nouveau. Peut-être que certains y verront une prise de partie mais j’aime à croire que ma clientèle ne me fuira pas pour ça et saura apprécier la nouveauté.

Oh il aurait pu demander l’avis de sa patronne avant d’entamer ce projet, c’est sa faute si elle l’a laissé seul ! Au pire, il trouvera un autre endroit où créer. Les queers dans le milieu de la mode ce n’est pas si rare, du moins à Illumis. Ici ? Il ne sait pas mais est prêt à tenter ce pari un peu fou.

▬ Qui sait si nous n’allons pas créer une nouvelle tendance.

Termine-t-il pour répondre à sa question. Oui, Milivoj veut faire de Yuri une nouvelle icône, le draper dans les plus belles soies et le voir aussi bien dans les magazines pour hommes que pour femmes. Pour cela il a du travail.. C’est toute une nation qu’il doit convaincre. Ça ne lui fait pas peur, au contraire il bouillonne d’idées, toutes plus scandaleuses que la précédente.

La petite pensée rigolote de la championne le fait plus réfléchir qu’autre chose. Déjà il doit se rappeler de quel champion il parle et c’est avec effroi qu’il se rend compte que ce n’est pas le plus facile à habiller dans une telle tenue.

▬ Rire.. Je m’inquiète plus de s’il trouvera une robe adaptée à sa carrure. Si l’envie lui en prend vraiment, envoyez-le moi, nous sommes plus à ça près n’est-ce pas ?

Et le couturier se permet de rire doucement car il ne pense vraiment pas que ça arrivera. Ce serait drôle et clairement un défi plus compliqué qu’un Insolourdo.. Heureusement, ce n’est là que le fruit de l’imagination de son collègue dont il ne tarde pas à répondre lorsqu’elle lui demande de lui faire part de ses idées à lui. S’il prend d’abord le temps de noter les mesures, il s’éloigne ensuite pour être face au champion.

▬ Pour ce qui est de votre tenue de patinage, un thème aurores boréales me plaît bien avec un dégradé de couleurs ainsi qu’un jupon. Pensez à une tenue de ballerine, évidemment le tutu sera plus court pour vous laisser libre de vous mouvements mais le tulle sera parfait pour faire cet effet un peu nuageux. Vous pourrez le mettre ou l’enlevez à votre guise afin de continuer à jouer sur le masculin féminin.

Ne serait-ce pas là un final dramatique que « d’arracher » le tutu, symbole de féminité dans une région qui est si fière de ses ballerines ? C’est peut-être trop osé ou trop simple. Il a d’autres idées si celle-ci ne convient pas mais avant d’essuyer un refus, il continue.

▬ En ce qui concerne les tenues de tous les jours, je vous vois dans un costume deux pièces un peu ample, bien structuré au niveau des épaules pour contraster avec un corset ou encore une chemise avec un jeu de transparence. Qu’on fasse un col haut mais qu’elle dévoile sous de la mousseline de coton votre plexus solaire. Un côté très lingerie qui demandera évidement les plus belles broderies.

Ça, ça lui plaît tout particulièrement. La silhouette de Yuri y est parfaitement adaptée, à savoir si le dresseur est prêt à jouer sur du semi-dévoilé. Oh Milivoj ne compte pas faire du vulgaire, tout sera délicat pour ne pas venir contraster la persona de la championne. Mais avant de passer aux croquis, il attend désormais de savoir ce qu’elle en pense.

Même si le champion lui donne le feu vert, Milivoj est prêt à tout pour qu’elle ai l’esprit tranquille. Il lui tend la main pour l’aider à descendre de l’estrade et lui montre le canapé pour l’inviter à s’y asseoir. Lui reste debout, tout sourire.

▬ Je vais vous faire des croquis pour vous donner un aperçu comme ça nous rajouterons du tissus si vous trouvez ça trop vulgaire.

Lui assure donc le couturier, ayant plus qu’envie de coucher ses idées sur papiers. Oh qu’il bouillonne ! Il pense même pouvoir créer une ou deux tenues de plus quand Yuri sera parti. Elles lui seront dédiées, peut-être proposées à un moindre coût pour l’avoir tant inspiré mais tout d’abord, il se doit d’être un bon hôte.

▬ Souhaitez-vous un thé le temps que je dessine ?

Propose le jeune homme en lui offrant une petite carte de ceux dont il dispose. Il a refait le stock hier puisque visiblement, c’est une boisson bien trop appréciée ici et que ne pas en avoir est un sacrilège. Il ne comprend pas trop, reste que ça fait raffiné et c’est un service apprécié.

▬ Pour ce qui est du devis nous pratiquons le taux horaire couplé du prix des matériaux. Une fois les croquis validés, je vous montrerais des échantillons que vous choisirez et je pourrais vous faire une estimation.

Qu’il explique lentement pour s’assurer de la compréhension de son auditoire. Généralement le devis est plus haut que le prix final, simplement parce qu’une fois lancé, Milivoj coud sans s’arrêter à une vitesse plus que convenable. La seule chose qui risque de lui poser problème c’est le corps de la tenue de patinage, la matière élastique ne sera pas très gentille mais rien de trop embêtant s’il fait les choses bien.

Le temps que le thé soit infusé pour servir le thé, Milivoj commence à dessiner. Tout d’abord il fait en plusieurs exemplaires la silhouette de Yuri avant de commencer à l’habiller. Il s’interrompt un moment pour lui servir sa boisson avant de reprendre avec toujours autant de vigueur le travail. Il s’affaire à proposer plusieurs modèles et bientôt, ce n’est pas moins de cinq dessins qu’il a à proposer. Un seul pour la tenue de patinage, le reste pour celle de tous les jours.

Le couturier relève la tête pour sourire au champion qui semble bien curieux mais l’attente vient à sa fin, du moins le temps qu’il s’éclipse pour chercher des échantillons de tissus pour appuyer ses propositions et rendre d’autant plus visuel ces dernières.

▬ Voici.

Dit-il simplement en tendant ses esquisses avant de s’asseoir à côté de sa cliente pour mieux lui présenter ses produits, montrant les échantillons à côté des pages.

▬ Comme vous pouvez le voir, j’ai révisé la transparence sur ce dernier exemple. Nous partirions sur un col haut très chic avec une ouverture ici sur ce tissus un peu transparent doublé de cette broderie plus épaisse qui rendra le tout finalement assez opaque.

Puis si la patineuse préfère une chemise, c’est tout aussi reproduisible comme il le démontre avec les dessins précédents. Il propose aussi sur l’un d’eux un pantalon assez large qui, quand on se tient droit, ressemble à une jupe. Une jupe-culotte en soit, pas qu’il sache si le concept est très populaire dans la région. C’est donc tout fier, comme un Caninos qui attend d’être félicité, que Milivoj regarde son client.

Est-ce qu’il s’attendait à la main sur sa tête ? Absolument pas. Il cligne des yeux lentement mais ne réagit pas, préférant écouter ce que Yuri a à lui dire. Le fameux feu vert est à lui ! Une victoire pour le nouveau designer en ville. Quelle pub ! Aussi bonne que mauvaise mais Milivoj en est sûr, les détracteurs du champion ne pourront pas lui reprocher d’être à la pointe de la mode. Sinon ils ont autant mauvais goût qu’ils sont de mauvaise foi.

▬ Il n’y a aucun problème, sauf si je suis décoiffé, ce serait là un malheur sans nom.

Blague donc le blond en se relevant pour aller se voir dans un des nombreux miroirs pour vérifier qu’il a l’air convenable. Ceci fait, il débarrasse sa cliente de ses croquis puis, dès qu’elle est vide, de sa tasse de thé.

▬ Je vous raccompagne à l’accueil ?

Bien que posée comme une question, il tend son bras pour que le patineur s’y accroche. Sont-ils assez proches pour ça ? Il suppose qu’après avoir été gracié d’une caresse, il peut se le permettre. Puis si Yuri veut que ses costumes lui soient livrés dans les temps, il faut malheureusement se séparer maintenant que le couturier échange sa place avec sa collègue pour accéder à l’atelier. Oh il va sans doute faire sa meilleure nuit blanche mais préfère ne pas y penser.

▬ C’est un plaisir de travailler pour vous, je vous tiendrais au courant de l’avancée.

Promet l’homme. De toute façon ils sont amenés à se revoir pour les dernières retouches. Ou avant, c’est que Milivoj apprécie la compagnie et celle de Yuri lui plaît particulièrement. Une simple personne à mettre dans son lit ? Non, il n’oserait pas. Mais une muse ? Une à transformer en égérie ? Ça, il y arrivera.