Retour à la frontière

Artyom était le genre de militaire qui était endurant, très très endurant. Il le fallait bien, c’est ce qu’on lui avait appris et ce dont on l’avait entraîné aussi pour, à la base- pour être un militaire prêt à être efficace le plus longtemps possible. Alors, lorsqu’il se surprend lors du chemin retour à vouloir se reposer un peu et fermer par moment ses yeux pendant que le Cerbyllin le transporte jusqu’à la base… Hmm, il devrait peut-être prendre un moment pour se poser. C’est embêtant, mais un militaire épuisé ne sert à rien- et l’idée de se surmener à en finir à l’infirmerie lui fait froid dans le dos.

Ce simple frisson suffit cependant à le réveiller légèrement en sursaut- une désagréable sensation, tandis qu’il s’extirpe de ce début de sommeil qui avait commencé à le prendre- oh, vraiment, s’endormir était terriblement tentant pour ce pauvre Artyom épuisé et dont les cernes semblaient vraiment creusées et sombres… on dirait presque un zombie, et d’un côté, le militaire espérait que Tolstoï ne voit pas son état et se mette à s’inquiéter pour lui. Il ne voulait pas le surcharger de problèmes secondaires… Et ça lui donne d’autant plus envie de dormir ici pour espérer récupérer un peu avant d’arriver à destination.

Alors, il ferme les yeux, se laisse être bercé par les mouvements du Pokémon qui le transporte ici en s’assurant que tout est bien mis en place pour ne pas chuter en prenant du repos…

Jusqu’à ce qu’un coup de frein soudain le fait presque balancer en avant, lui expulsant l’air des poumons silencieusement sous le choc et la surprise, avant que le pauvre militaire se remette aussitôt de nouveau sur ses gardes, cherchant immédiatement par réflexe le responsable de l’arrêt brutal de sa monture pendant qu’il reprend son équilibre en vitesse.

Quelques secondes suffisent pour voir quelque chose bouger dans ce paysage blanc et couvert de neige, non loin d’eux- une présence humaine ? Ici, de tous les lieux possibles ? Enfin, ils n’étaient pas loin de la base de mémoire, mais… Souvent, les sbires ne partent pas seuls ici, ou patrouillent toujours à plusieurs. Alors voir une personne seule, et surtout sous autant de vêtements… déjà, ça a de quoi augmenter sa suspicion.

Mais en plissant ses yeux, en laissant ceux-ci fixer et identifier la forme qui semble l’approcher… tiens, quelque chose est familier- quelque chose qui lui rappelle… Cassandre ? Non, ça ne peut certainement pas être lui- mais Artyom, sur le moment, ne se rappelait pas que son camarade ait parlé de gens similaires dans son entourage… Pas sur le moment, en tout cas. De toute façon, soyons clairs : le militaire était encore trop fatigué et un peu dans le brouillard pour bien réfléchir correctement sur le coup. Sa mission était terminée et tout ce qu’il devait faire, c’était rentrer… il pourrait peut-être l’éviter avec un petit détour et-

Aïe, la voix qui lui parvient fait clairement comprendre que “fuir” n'est plus une possibilité. Et ça confirme ses suspicions : cette personne était une “touriste” paumée. Et pas n’importe où, mais non loin de la base principale.

Et ça, c’est ce qui embête Artyom, autant que ça le stresse et l’aide à rester “éveillé”, malgré sa tête sûrement pas rassurante avec la fatigue accumulée.

Certains ordres ici étaient clairs : des civils ici serait un trop grand danger pour leur sécurité, donc il fallait les faire partir au plus vite… mais sans les tuer. Tolstoï détestait gaspiller du sang inutilement- un avis que le militaire partage de même, bien que ce genre de chose arrive malheureusement par moments. De toute façon… l’homme n’allait pas chercher à l’ignorer ou passer son chemin- trop dangereux. Alors, après quelques instants à réfléchir et à se concentrer, le militaire finit par faire signe à sa monture d’aller doucement en direction de la femme qui les avait interpellé.

Dès qu’ils étaient assez près… hop, ni une ni deux, Arty descend du Cerbyllin rapidement- reprendre la marche alors que ses jambes lui tiraient avec la mission n’était pas des plus agréables, mais il fallait bien pour parler un peu plus correctement avec cette drôle de touriste. Enfin… si elle en est bien une.

Après tout, on parle bien d’Artyom- et après une telle mission épuisante et agitée, le militaire reste encore assez sur ses gardes, assez pour avoir instinctivement sa main proche de sa ceinture au cas où il faut sortir une arme… et aussi pour garder quelques mètres entre lui et la femme.

- … Quelle était votre destination d’origine ?

Oui, bon, bonjour, tout ça, on oublie- Artyom veut aller droit au but et plier ça au plus vite. S’il peut éloigner rapidement cette “touriste” de Kolowal et rentrer se reposer, ça l’arrangerait vraiment. Et quand il n’a pas beaucoup d’énergie à donner, tout ce qu’il peut faire est de prendre son rôle de “militaire froid” pour s’occuper de ça.

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Voir la personne le “craindre” ne fait que le rendre légèrement confus un instant, avant de se dire que sa carrure devait sûrement être responsable, ou peut-être son air fatigué ? Pas qu’il allait chercher à le cacher, c’est grillé à des kilomètres à la ronde…

Artyom se contente de simplement attendre une réponse sans bouger ni un mot supplémentaire- tout ce qu’il veut de toute façon, c’est régler cela au plus vite, et parler inutilement allait retarder ses plans. Il était même prêt à la raccompagner avec le Cerbyllin là où elle voulait, pour dire…

Mais lorsqu’elle parle des ruines de Kolowal, son regard fatigué s’écarquille un instant- assez pour qu’il soit remarqué et que la dame parle de devoir absolument s’y rendre, ce qui ne rassurait absolument pas le militaire : de tous les endroits ou un touriste voulait aller… c’était pile l’endroit qu’il fallait absolument éviter. Et clairement, Artyom n’arrivait pas à comprendre ou à faire du sens à cette histoire bizarre, avec la fatigue qui le ronge.

Des pensées difficiles à réunir et à comprendre… encore plus lorsque la femme s’emporte légèrement à force d’attendre- et parle de personne en danger. De quoi encore plus rendre confus le pauvre militaire épuisé, qui fronce les sourcils et fait rapidement signe à sa monture d’avancer et de se mettre dans le chemin de la “touriste” pour ne pas la laisser s’éloigner trop vite.

- … Une personne en danger ? Ne me dites pas que cette personne est allée aussi aux ruines ?

Il en secoue légèrement la tête, comme s’il espérait qu’on lui donne cette réponse négative de tout coeur- ça sentait l’histoire bien trop compliquée pour l’énergie qui lui restait… mais il  ne peut vraiment pas laisser cette dame avancer seule- ou sa propre vie serait en danger, ainsi que l’existence de la base Stal avec si elle devait s’en sortir. Artyom soupire, mais se dépêche de reprendre la parole.

- Les ruines sont extrêmement dangereuses- vous risquez vous-même votre vie en allant là-bas. Dites-moi juste ce que vous comptiez faire là-bas… je peux peut-être aider sans que vous ayez à vous mettre en danger.

Vu comment tout paraît si flou, le militaire préfère essayer de voir s'il n’était pas possible de “chercher” lui-même ce dont elle avait besoin sans qu’elle n’ait à approcher Kolowal.

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Les paroles qui suivent ne sont guère plus rassurantes. Apparemment, la “personne en danger” semblait, pour une raison ou un autre, avoir décidé que Kolowal serait l’endroit parfait où se réfugier- alors qu’il devait bien être le pire à l’heure actuelle si l’on n'était pas de la Team Stal… Et il a beau prévenir, visiblement, ça ne rentre pas dans la tête de la touriste qui s’amuse à l'appeler le randonneur. Oui, un randonneur. Habillé presque comme un vieux militaire avec un gros manteau pour le protéger du froid.

… Bah, il est trop fatigué pour préciser qu’il n’est pas un randonneur, justement. De toute façon, la suite des mots de la dame suicidaire au vu de son entêtement n’allaient pas aider Artyom là-dessus, constatant qu’elle était vraiment prête à tout pour arriver à son but… même à proposer de bien étranges choses. Mais très clairement… L’homme n’était pas du genre à se laisser corrompre- pas avec ce qu’il avait appris toute sa vie, quelque chose qu’il fait bien vite savoir en levant la main pour lui faire signe de s’arrêter dans ses propositions qui l’ennuient plus qu’autre chose.

- … Je ne suis pas intéressé par ce genre de choses. Savoir que quelqu’un pourrait approcher Kolowal m’inquiète bien trop pour que je laisse ceci de côté. Et si cette personne arrive à destination… je doute qu’on puisse la retrouver ensuite.

Un autre soupir- le militaire finit par avancer, non pas pour s’approcher de la dame, mais surtout pour revenir proche de sa monture, sans pour autant se mettre de suite sur son dos. Non, d’abord, son regard bleu froid et fatigué revient se diriger sur la “touriste”.

- Si je le peux, je préfère éviter qu’il arrive quoi que ce soit de dramatique ici. Chercher à dos de Cerbyllin sera sûrement plus rapide et moins dangereux que d’arpenter la toundra seule et à pied. Venez.

Un signe de tête vers son Pokémon est fait comme invitation- et le militaire était prêt à l’aider à grimper sur le dos de la grande monture pour qu’ils ne perdent pas plus de temps. Artyom ne pourrait l’amener trop près des ruines… mais avec un peu de chance, ils pourraient intercepter l’autre personne avant qu’il n’ait comme prochaine mission de se mettre à se débarrasser de deux corps.  

A défaut d’être très courtois, il pourra se montrer utile et efficace… et avec un peu de chance, il pourra régler cette histoire au plus vite.

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Il n’est pas comme les autres hommes ? Artyom ne comprend pas exactement la phrase- ah, peut-être que c’est la fatigue qui lui rend difficile de réfléchir à ce message… mais il ne veut pas perdre du temps là-dessus : ils en avaient déjà perdu bien assez comme ça. Le militaire se hâte, aide la dame à grimper sur la grande monture avant de monter à son tour sur son dos, et sans plus attendre, les voilà partis avec rapidité dans les alentours de la zone- bien évidemment, en espérant de tout coeur qu’il n’était pas trop tard pour son “amie”.

La concentration du militaire était en majorité sur trouver une forme humaine dans cette grande toundra, et le reste sur vérifier qu’ils ne dévient pas trop de leur chemin. Heureusement, le Cerbyllin semblait être une bonne monture qui sait comment se déplacer dans le coin, de quoi faire une partie du travail… Et peut-être qu’Artyom aurait du se concentrer un peu plus sur chercher la personne, car ce n’est que seulement lorsque la touriste descend subitement de la monture qu’il voit- ou plutôt, remarque la forme qui avait attiré l’attention de la femme qui crie un nom, celui de son amie, probablement.

Malheureusement, Artyom n’a à peine le temps de stabiliser sa monture légèrement agité par la descente en pleine course d’un de ses passagers et de son appel qu’il voit le danger arriver- et ce n’est que lorsqu’il voit la touriste terminer au sol, tachant celui-ci de rouge…

C’est la vue de ce sang qui le pousse enfin à se réveiller un bon coup et à descendre de sa monture qui reste en retrait, sortant immédiatement d’une Pokéball Metel, le faux-Blizzeval qui était bien content de pouvoir retrouver sa toundra aimée… enfin, jusqu’à remarquer le Zoroark qui ne semblait guère apprécier sa présence ainsi que de celle de son dresseur, et se dépêche de se mettre d’avance entre celui-ci et leur ennemi du moment, de quoi gagner un peu de temps.

Le premier et seule action qu’il aura le temps d’entreprendre dans ces quelques secondes gagnées, c’est d’envoyer son propre Zorua de Hisui, Ekho, au plus proche de la dame blessée, lui demandant de la cacher sous son illusion au plus vite- une bien maigre action, mais avec un Zoroark aussi dangereux à côté, il ne pouvait laisser le renard décider de s’en prendre à elle à nouveau.

Parlant de lui… voilà qu’il gronde à nouveau, irrité de voir tant de mouvement et de bruit de la part du militaire- et c’est une violente bourrasque de Vent Mauvais qu’il lève avec un rugissement, repoussant autant Artyom qu’il fait reculer Metel de quelques pas en arrière avec douleur- mais surtout, qu’il les fait éloigner petit à petit de la femme, et de leur chemin… quel que soit la raison de sa colère, il semblerait que leur ennemi n’allait pas les laisser passer aussi facilement.

L’espace d’un instant, l’homme songe à demander à son Pokémon d’attaquer leur ennemi de loin- mais avec Ekho et la touriste à proximité, il risquait de les voir être aussi blessés, autant par un Blizzard qu’un Séisme… Alors, pas le choix- il faudra forcer le chemin ! Le Zoroark s’apprêtait à recommencer à les envoyer balader à coup de Vent Mauvais, jusqu’à ce qu’enfin, Artyom donne un ordre au Bourrinos bien déterminé à ne pas se laisser battre plus longtemps.

- Metel, Cavalerie Lourde !

Même s’il faut souffrir pour franchir la bourrasque violente, le Blizzeval at home arrive à foncer assez vite pour ne pas se laisser être repoussé, et parvient même à atteindre un Zoroark de Hisui surpris, autant par se retrouver soudainement face au grand Pokémon qu’à se retrouvé écrasé par les sabots de celui-ci, et de tout son poids… qui n’était pas léger, au vu du cri de douleur que ça lui fait pousser. Bien évidemment qu’il ne veut pas se laisser faire, utilisant ses pattes libres pour essayer de faire dégager le Bourrinos de là à coup de Griffe Ombre… et cela aurait presque marché, Metel reculant d’un coup- mais pour revenir plus rapidement, d’un Tête de Fer pile dans celle du Zoroark encore au sol pour l'assommer pour de bon et le mettre hors d’état de nuire.

Et c’est uniquement lorsque le Pokémon sauvage était bel et bien K.O. que l’illusion d’Ekho disparait enfin pour révéler de nouveau sa position et celle de la femme blessée- position vuite rejoint par le militaire qui regarde ses blessures, siffle pour appeler le Cerbyllin et le faire rapprocher pour se préparer à repartir… enfin, pas sans quelques soins basiques que le militaire prodigue de ses quelques affaires avec lui- bon, il faudra sûrement voir ça plus tard avec un vrai médecin, mais sur le moment, ça suffira à ne pas garder les blessures à l’air et à les garder protéger un minimum.

- Vous pouvez encore tenir ?

Parce que si elle ne le peut pas… il préfèrera la ramener en sûreté dans un lieu extérieur- il préfère sauver au minimum une personne dans cette histoire. Mais Artyom espère quand même ne pas avoir à se salir les mains à la fin.

Retour à la frontière

La jeune femme semble capable de parler et d’être plus ou moins cohérante- ça suffit pour qu’Artyom se dise que malgré la blessure, elle devrait tenir le coup. Et la femme insiste pour continuer, alors ni une ni deux, le militaire l’aide à remonter sur le dos du Cerbyllin, rappelle ses propres Pokémon en les remerciant de leur aide, et les voilà repartis de nouveau dans la toundra, en quête de la bonne personne- mais en restant attentifs, cette fois.

Le chemin sera plus calme à présent, et ils finiront enfin par trouver quelque chose de plus concluant, un peu plus proche de Kolowal mais pas très près non plus- bien que Artyom est surpris de voir Volodya ici aussi, sur le moment. Il laisse la femme descendre, malgré son cassage de gueule, il ne réagit pas vraiment- enfin, jusqu’à ce qu’il est l’heure de leur dire de faire demi-tour, que l’endroit est vraiment dangereux, et que eux-même ne devraient pas rester ici plus longtemps… Enfin, le militaire fait tout ce qu’il peut pour les éloigner quoi, sans lâcher l’affaire jusqu’à ce que ça soit bon.

Et quand c’est bon et que les femmes s’éloignent et disparaissent de sa vue… il n’attend pas plus, salue simplement son “collègue”, et reprend ce qui lui reste de route pour rentrer.

Toute cette histoire aura vraiment été épuisante- et Artyom espérait ne plus revoir ces personnes là aux alentours. Quelle dangereuse perte de temps pour eux tous… Il avait vraiment besoin de repos.