Bork

Artyom avait hâte que la période de “pleine lune” se termine.

A chaque fois que celle-ci approchait, il fallait trouver une excuse pour partir temporairement de la base, dire qu’il doit “s’isoler” dans la toundra, disparaître quelque temps, et revenir dès que c’est passé. Et pourquoi tout ça ? Parce que monsieur le militaire était un putain de mi-humain mi-Lougaroc Crépusculaire qui n’est pas foutu d’arriver à contrôler sa forme à ces périodes. Oui, c’est difficile et cela prend du temps, mais à l’époque où il était à l’armée… Qui voudrait essayer de calmer une arme de destruction sur pattes quand ça arrange ? Personne- et donc, personne ne lui avait jamais donné le temps et l’apprentissage pour calmer ça durant sa jeunesse.

Il se retrouve donc seul, ces jours-là, à errer dans la toundra comme un chien sauvage du crépuscule du soir jusqu'à celui du matin- et même en journée, il ne peut complètement cacher sa vraie identité. L’excès de fourrure colorée et blanche, les oreilles et la queue qui sortent, les dents pointues qui ressortent à peine qu’il ouvre sa gueule, les pointes de pierre qui ressortent du cou et de la tête… Il avait l’air d’une bête de foire plus qu’un humain.

Qu’est ce que ses camarades penseraient en le voyant comme ça, ou pire, dans sa véritable forme la nuit ? Est-ce que Rin et Tolstoï l’apprécieraient encore, s’ils découvraient son identité ?

Non, Artyom est trop effrayé pour émettre l’idée, pour ne serait-ce même parler de Lougaroc ou de quoi que ce soit devant eux, par peur qu’un doute se créé ; alors, il part juste s’isoler dans la toundra et vivre sa vie jusqu’à ce qu’il retrouve le contrôle et puisse revenir à la base en sécurité. Le militaire s’attache un sac d’affaires qui tient le coup durant ses transformations, et il se débrouille ensuite avec le strict minimum jusqu’à son retour, sans jamais rien dire de ce qu’il fait aux autres camarades.

Il pensait que ce fonctionnement tiendrait, pourrait durer des années et cela jusqu’à la fin des temps…

Mais avant le crépuscule du soir, aujourd'hui, le militaire était parti en vitesse, discrètement, sans dire à personne : il s’était d’une façon ou d’une autre trompé dans son calendrier, sûrement après avoir récupéré d’une mission difficile qui aurait brouillé sa notion du temps. Artyom n’avait jamais fui aussi vite (sauf pour les journées vaccin) pour ne pas voir son secret être révélé aux yeux du monde, ayant à peine eu le temps de s’enfoncer dans les bois qu’il était déjà redevenu le gros Lougaroc Crépusculaire qu’il était réellement.

Il avait cru qu’il serait tranquille, qu’on ne le dérangerait pas malgré tout, que ses camarades ne poseraient aucune question sur sa soudaine fuite.

Mais lorsqu’une poignée de minutes, ou d'heures plus tard (parce qu'il ne voit pas le temps passer dans cet état), le Arty-Lougaroc arrive à tomber nez à museau avec son supérieur en personne…

Une partie de lui espère qu’il ne sera pas reconnu malgré ses étranges cicatrices qui “collent” à sa partie humaine sur sa gueule- mais encore plus rapidement, il espère que celui-ci ne pense pas qu’il ait croisé le chemin d’Artyom ou pire, qu’il se décide de le capturer ou de le combattre.

Cela serait bien trop compliqué d‘expliquer tout ceci dans son état, et il ne voulait pas s'en prendre à Tolstoï, surtout pas lui.

Malgré sa carrure et taille imposante, on dirait que c’est la “petite bête” qui va bouffer le grand Lougaroc, vu comment il semble avoir déjà la queue entre les jambes et serait prêt à décamper au moindre moment opportun.

Bork

Faire face à Tolstoï était bien la pire chose qui pouvait lui arriver, là, maintenant. Artyom l’aimait, voulait le rassurer en voyant qu’il semblait le craindre vu comment son visage s’était changé en le trouvant- mais le militaire savait qu’il ne pouvait pas. Pas sous cette forme qu’il pensait être un secret aux yeux de tous.

Lui aussi avait peur de ce dernier, de sa réaction, des secondes à venir. Et il ne bouge pas, paralysé par la crainte du futur proche.

Les secondes passent, lui semblent être une éternité à ses yeux… jusqu’à ce que l’homme présent devant lui finit enfin par bouger, ou plutôt réagir- un léger soupir de soulagement… avait-il peur d’être attaqué ? Enfin, c’est vrai qu’il reste un Lougaroc, et un de grande taille  avec une sacrée carrure, mais… Artyom ne lui voulait aucun mal. Bien au contraire- il avait même toujours l’envie de “fuir” pour le protéger, et se protéger avec son secret.

Mais cette fuite ne viendra pas de suite. Ilya n’est pas raisonnable, décide même de l’approcher, et par réflexe, le Lougaroc prend un pas en arrière, les oreilles baissées et son regard toujours fixé sur celui de Tolstoï- ce n’était pas une bonne idée, c’était dangereux pour eux deux… Pourtant, Artyom n’a pas la force de prendre ses jambes à son cou et fuir dans la toundra. Une autre partie de lui réclamait de rassurer l’homme, de montrer qu’il n’est pas dangereux justement- comme ça, si son secret devait être percé, Ilya n’aura pas peur.

…

La main de l’homme approche sa truffe un moment, bien qu’un geste inutile vu que le Lougaroc savait déjà qui était devant lui- mais il joue le jeu, renifle, et laisse Ilya s’amuser avec sa crinière. Artyom ne peut s’empêcher de trembler légèrement tant que le contact était présent- il aimait l’attention, énormément, mais sa crainte d’être découvert le bouffait en même temps et lui faisait hésiter entre rester encore un peu ou fuir.

Et puis… des paroles. Des paroles qui se veulent rassurantes- Ilya le prenait comme un gros Lougaroc qui venait de fuir la base… Ce qui n’est pas faux en soi- sauf qu’il avait fui en tant qu’humain de base. Au moins, il ne voulait pas le ramener, et ça rassure un instant la pauvre bête à se calmer un peu au moins dans ses tremblements- de ce côté-là… son secret ne sera pas dévoilé, et il n’aura pas à s’attaquer à celui qu’il aime.

Mais les mains de son compagnon viennent toucher à ses cicatrices, et Artyom ne peut s’empêcher par réflexe de pousser sa tête un peu sur le côté pour ne plus avoir ce contact- ces cicatrices… il ne les détestait pas de base, mais leur présence ici était un véritable danger pour son existence. Elles étaient trop “similaires” quelque soit la forme portée. Comme si cela ne suffisait pas, la voix d’Ilya vient même s’ajouter à sa crainte déjà bien présente, et ses légers tremblements reprennent à nouveau, incontrôlable- il était terrifié à l’idée d’être découvert…

Et voilà que pour ne pas l’aider, il lui murmure une drôle de phrase- un… Démolosse ? Qui griffe et mord quand on lui demande ? Artyom ne comprenait absolument pas ce qu’il voulait dire par là. Il n’avait rien de similaire à ces Pokémon… Est-ce qu’il le prenait pour autre chose ?

…

Il ne comprend pas, et ne sait pas s’il veut rester pour savoir. La nuit est à peine tombée, mais le temps peut passer plus vite que l’on ne croit. S’il reste trop longtemps ici… C’est lui-même qui risque de se griller- chose que le Lougaroc ne peut se permettre.

Un petit couinement se laisse entendre de sa part, avant qu’il force le contact entre eux à être rompu en s’éloignant de quelques pas, à reculons et à contrecoeur- ses yeux bleus ne peuvent vraiment quitter celui qui l’aime, malgré tout… et Artyom aurait voulu rester avec lui, pour la nuit au moins. Mais c’était trop dangereux, il le sait bien.

Ses oreilles se baissent, son regard part un instant sur le côté, fixant la toundra avant de revenir sur Tolstoï… c’est presque comme s’il attendait la permission pour partir librement.

Artyom reste Artyom, quoiqu’il arrive.

Bork

Artyom oubliait bien trop souvent qu’Ilya était bon pour se jouer de lui, avec les bonnes émotions ou sentiments à utiliser pour l’influencer et le faire plier. Mais dans sa panique et sa peur, le pauvre Lougaroc l’avait oublié, et gobait bien gentiment ce qu’il montrait et disait comme si c’était la plus pure des vérités. Le voir se montrer mécontent effraie le Pokémon qui baisse un peu la tête, mais aussi déçu de ne pas pouvoir être plus “câlin” avec celui qu’il aime, de peur de révéler son identité.

Il aimerait dire qu’il était désolé, mais il ne pouvait pas- même pas physiquement. Sa gueule n’était pas faite pour parler comme un humain le pourrait.

Tout ce qu’il peut faire, c’est écouter. L’écouter parler de Rin, de son cher “soldat”, qui ne sont jamais là quand il en a besoin- et ça fait mal au coeur du pauvre Lougaroc, qui ne peut que montrer de la tristesse tout en faisant fuir son regard, sachant bien qu’il aimerait être plus “présent” mais qu’il avait un rôle à tenir et une identitée à garder secrète.  

Artyom aimerait être encore meilleur pour Ilya, mais c’était tellement difficile…

Et puis- rapidement, son supérieur se rappelle qu’il n’est qu’un “simple” Lougaroc, que ses paroles ne traverserait pas son crâne- bien qu’elles le font en réalité, Artyom était différent. Il ne le savait juste pas, pas vrai ? Oh, qu’il aimerait tant lui dire qu’il comprend, qu’il est désolé, qu’il veut passer plus de temps ensemble ! Mais impossible de le faire, et ça faisait mal à son cœur de gros loulougaroc.

Tant de tristes pensées, au point qu’il ne remarque que trop tard qu’Ilya s’était de nouveau approché pour le câliner et le caresser… tant d’attention qu’il adorait, et qu’Artyom aimerait encore plus si son compagnon savait pour sa véritable forme ! Le destin est cruel, de l’avoir fait tomber amoureux d’un humain normal. Un humain drôlement attaché à un Pokémon “sauvage” d’ailleurs, mais Arty pense que ce pauvre Ilya est désespéré pour un peu de contact avec n’importe qui.

…

Sa tête vient observer la lune dans le ciel, un instant : au moins, la nuit était encore jeune… Un peu de temps ne devrait pas être un souci- et ça leur ferait autant plaisir, à lui comme à Ilya… Surtout s’il se sent vraiment seul. C’est bien le rôle d’un compagnon, être avec ceux qu’il aime. Même si Tolstoï ne doit pas savoir la vérité là-dessous.

Le Lougaroc pousse un léger bruit d’abandon, laisse sa tête reposer doucement contre l’épaule de l’humain sans plus de “paroles” et reprend doucement son calme. Juste un peu comme ça, et ils pourront reprendre chacun leur chemin, pas vrai ?