La salle était pleine, il faut dire que la star sur scène est célèbre. Personnellement, Victoria n’en pense trop rien de son style provocateur et progressiste, sans doute trop égocentrique pour se sentir concernée par l’appel de la liberté. Balthazar et Magdalene en revanche, ils l’adorent. Alors quand ils ont apprit qu’ils avaient raté son concert à Stolista pour sa tournée Stranaïte, ils ont immédiatement voulu se rattraper pour Sankt-Duraluburg. Victoria ne pouvait pas leur refuser ça.

Le chemin est plus fatiguant pour la mère que pour les enfants qui ont l’habitude de voyager entre la capitale et Dusknograd, à moitié nomades. Ce qui est plus fatiguant encore, c’est cette foule remplie d’auras encombrantes et bruyantes, Victoria s’inquiète pour Balthazar un moment. Mais le gamin a l’air tellement concentré sur le fait de vouloir voir son idole qu’il semble bien supporter l’épreuve.

Le concert commence donc dans cette salle qui sert d’habitude d’Opéra, Victoria a bien-sûr le droit à une place VIP sur les balcons décorés de dorures. Elle se retient de bailler, franchement elle ne serait pas là si ce n’était pas pour les enfants. Balthazar et Magdalene sont captivés et cela fait plaisir à voir quelque part, la championne peut au moins reconnaitre cela à la chanteuse. Une pensée intrusive lui vient, quelque chose que Dimitri lui avait échangé au propos de Lady Yana, justement. Ivanovsky, le chef des Rangers, serait un grand fan. Comique comme cela ne colle pas avec l’allure et le caractère du bonhomme.

Enfin, Victoria doit reconnaitre que les paroles des chansons de la star sont osées, presque aussi osées que les romans anonymes de la jeune Alina. L’idée la fait légèrement sourire et quand le concert prends fin, elle se lève bien évidemment pour applaudir, n’ayant même pas besoin de demander aux enfants de faire de même. Tant d’admiration pour cette jeune femme de la part des jumeaux, la championne en serait presque jalouse. Presque, oui, mais elle est assez mature pour faire la part des choses et cela ne suscite qu’un certain amusement attendri. Et puis voir Balthazar à l’aise dans une foule n’est pas chose commune…

La star quitte la scène et les lumières de la salle d’Opéra se rallument lentement, signe que les spectateurs peuvent commencer à quitter les lieux. Victoria reste un peu pour profiter du silence tout fraichement retrouvé, enfin, elle aimerait bien profiter mais Magdalene ne tarde pas à tirer sur sa manche.



Souffle la jeune femme sur un ton mi-moqueur mi-grondeur. La petite est obéissante car elle arrête immédiatement et vient faire les yeux de Ponchiot battu à sa mère, un coup d’œil à son aura permet de réaliser qu’elle a un peu le trac de prendre la parole. Victoria lui adresse donc un doux sourire et vient lui caresser les cheveux.



Maggy souffle un bon coup avant de demandé d’un air décidé.



Balthazar tourne soudain la tête vers sa mère, émerveillé par l’idée, un sourire illumine son visage. Inutile d’employer des mots pour comprendre qu’il appuie également la demande. Victoria soupire, laisse un « tsk » claquer entre ses dents puis secoue la tête.



Magdalene et Balthazar se mettent à deux pour attendrir leur mère avec leurs yeux larmoyants de petits Poussacha perdus.



Ah, bien évidemment, le bon vieil argument de « Papa aurait fait ci, il aurait fait ça », ça ne rate jamais. Elle en touchera deux mots à Dimitri, tiens, histoire de savoir si c’est vrai – juste pour bien rigoler. Victoria fait donc mine d’hésiter avant de céder au caprice de ses gamins pourris-gâtés – ils le méritent bien, du moment qu’ils peuvent s’amuser, non ?



Une simple demande au personnel du théâtre, puis au directeur et à l’agent de la fameuse Lady Yana puis ils accèdent enfin aux vestiaires de la jeune femme. Bien sûr, Victoria fait signe à ses enfants d’attendre poliment pour ne pas surprendre la pauvre Norma dans son intimité. Elle donne trois coups élégants à la porte et attends tranquillement qu’on lui donne la permission d’entrer tandis que ses enfants sautillent sur place. Et quand cette fameuse permission vient, elle n’a pas le temps d’agir que Magdalene et Balthazar se précipitent aussitôt dans la pièce, comme des Poussacha avides de croquettes.



S’exclame-t-elle avant d’esquisser un sourire désolé à la rose bonbon dont l’aura est encore remplie de surprise.



« halloween »

Inutile de dire que les gamins ont des étoiles plein les yeux, leur aura est si rayonnante qu’on pourrait la percevoir même en dehors de l’opéra. Victoria esquisse un sourire ravi, franchement reconnaissante envers celle qui comble tant ses enfants. Bien évidemment, c’est Maggy la moins timide qui prends la parole et la question qu’elle pose manque de faire éclater de rire sa mère.





Ajoute timidement Balthazar qui a du apercevoir l’aura de confusion de son idole.

Ah Ivanovsky, elle n’a jamais pu saquer ce type mais si elle apprenait qu’il était fan de Lady Yana, elle serait légèrement étonnée. Ce n’est pas vraiment le type de bonhomme que l’on penserait fan de pop Unysienne aux paroles osées mais les apparences sont ce qu’elles sont : des apparences. Et Victoria sait particulièrement bien qu’on ne doit pas s’y fier. Aussi écoute-t-elle attentivement la réponse, si Yana ne sait pas, elle demandera directement à son ami Dimitri confirmation.

De leur côté, les bambins semblent réfléchir à d’autres questions après avoir obtenu leur première réponse. Maggy trépigne mais elle semble avoir passé un accord tacite avec son frère pour faire un « chacun son tour ». Balthazar semble réfléchir profondément avant de demander d’une voix timide :



Victoria, elle, n’y voit aucun inconvénient. Et franchement, si en grandissant, Balthazar lui avouait son homosexualité, elle ne serait pas vraiment surprise. Elle ne sait pas si il y a des auras pour lire ce genre de chose chez quelqu’un mais c’est un pressentiment qu’elle a. Encore une fois, elle préfère ne pas se fier aux apparences : certes, Balto est efféminé mais ce n’est pas une raison pour lui coller l’étiquette homosexuel sur le front, surtout aussi tôt. Ce genre de question, par contre…

Et surtout cette petite aura timide qui espère qu’on lui dise oui…

En tous cas, c’est sur la ton de la confession et d’une voix assez basse pour ne pas être entendu en dehors de la loge de la star que Maggy murmure avec un petit sourire confiant.



Elle fait signe à Yana de s’approcher pour lui murmurer quelque chose à l’oreille. Quelque chose que Victoria n’entends pas.



Victoria est un peu confuse sur le coup, elle qui ne voit pas Arseniev comme autre chose qu’une bonne amie, pour l’instant, a l’impression… Non, la certitude qu’on parle d’elle. Elle est pourtant certaine de ne jamais avoir fait preuve de ce genre de penchant dans sa vie. Mais le sourire malicieux de Maggy semble lui dire l’inverse.

« halloween »

A en voir le regard de Norma et son aura espiègle, Victoria semble tout de suite comprendre de quoi il s’agit et fusille – pas trop méchamment mais quand même – Magdalene du regard. Elle soupire avant de se sentir obligée de clarifier la situation.



Pas de mensonge là-dedans, Victoria ne voit pas pourquoi il y aurait une différence entre l’homosexualité et l’hétérosexualité. C’est une question de logique, à partir du moment où le partenaire est un adulte consentant… Où est le problème ? Genya semble préférer le genre de relation qu’entretenait cette pauvre Mélisandre avec son Groret de mari plutôt que de l’amour franc et sain entre deux personnes du même sexe.

Cette idée lui arrache un rictus de frustration qui se transforme bien vite en cynisme.



Victoria a beau être une Tsariste, elle ne considère pas la Tsarine actuelle comme la souveraine légitime absolue. A vrai dire, sans cette histoire de succession au trône, elle rejoindrait sans doute Dimitri dans sa neutralité absolue, suivant le cours du vent comme un roseau sous la tempête. Jouer les chênes est assez risqué à Strana mais elle préfère privilégier le bien de ses enfants en leur assurant une bonne place dans la société.

Les enfants commencent cependant à s’impatienter pendant cette discutions de grande personnes, ce qui arrache un petit rire à leur mère qui finit par leur faire remarquer un détail qu’ils ont sans doute oublié dans la précipitation.



Les yeux des jumeaux semblent soudain briller de milles étoiles et Maggy s’empresse de fouiller dans son petit sac pour en sortir un joli pendentif à l’éclat brillant et ondulant comme la surface d’un lac. Toute fière d’elle, elle présente sa petite création.



Pour sa part, Balthazar a sorti quelques photos de sous son manteau et les tends également – mais plus timidement – à la jeune femme aux cheveux rose bonbons.



« halloween »