Victoria n’avait pas touché à la pokéball de Gerda depuis qu’elle avait remit la main dessus au sein du manoir familial, maintenant propriété de la couronne Stranaïte. En réalité, elle ne savais pas tellement comment interagir avec le pokémon qui avait été le plus proche de sa mère. Gerda comprendrait-elle qu’elle ferait face à l’assassin d’Ayesha ? Impossible à dire, les Feunard ne sont pas bêtes et on raconte beaucoup de choses à leur sujet, mais sont-il aussi omniscients que l’on prétends ?

On l’avait prévenu que son accouchement risquait d’être difficile, après tout, sa naissance avait été une épreuve pour sa mère aussi. Alors deux enfants… Des crampes horribles et des contractions musculaires incontrôlées avec une idiote de sage-femme qui vous dit de respirer. La jeune femme maudissait Arkæ en serrant les dents, elle était trop entourée, les gens autour d’elle trop tendus. Elle pouvait sentir très clairement leur peur qu’il arrive quelque choses aux précieux héritiers de l’empire, et cette vieille Matriarche bigote qui priait Sankta Didilia pour que tout se passe bien…

Ridicule.

Cela avait duré plusieurs heures et c’est finalement le 22 Septembre 1993 que naquit Balthazar, c’est le lendemain, le 23 dans la nuit, que naquit Magdalene. Et cette idiote de Matriarche qui calculait déjà leurs signes astrologiques avec ses rituels archaïques. Enfin bon, malgré les consignes étouffantes de Genya 1ière, Victoria avait obtenu le droit de s’occuper seule de ses enfants, aidée seulement de temps à autre par une nourrice. Mais quand les bambins commencèrent à couiner en pleine nuit à cause des maux de dents qui poussent, force était de constater que la future championne de Stolista ne pourrait pas s’en sortir seule.

Il y avait bien Ivory mais la pauvre Majaspic était vieille et aveugle, elle finissait aussi épuisée que sa dresseuse. Et Feather était trop pataud pour s’occuper des jumeaux, même si il les adorait…

Non, Victoria ne voyait plus qu’une seule solution. Cette pokéball qu’elle n’avait pas osé sortir depuis bien longtemps… Gerda la détesterait peut-être mais elle prendrait soin des enfants comme elle avait prit soin de Victoria quand elle était elle-même un petit bambin.

Ivory était épuisée, cette nuit-là, elle s’était couché au pied du lit de sa maîtresse tandis que cette dernière, en robe de chambre, tentait en vain de calmer le petit Balthazar. Elle prit pleinement conscience en voyant les traits pliés de douleur de l’enfant qu’elle n’aimait pas voir sa progéniture souffrir. C’était différent des autres personnes, de ses victimes, elle avait prit un malin plaisir à les voir se tordre de douleur sous l’effet du poison. Une mort plus douloureuse qu’une poussée de dents sans doute. Mais c’était suffisant pour que Victoria se sente mal.

Elle prit alors la décision de faire appel à Gerda une bonne fois pour toute. La Feunard saurait peut-être quoi faire et pourrait prêter main forte à cette pauvre Ivory. Ce ne fut qu’une histoire de fouille dans ses affaires pour retrouver la pokéball enfouie quelque part entre du linge et des papiers importants.

Elle prit une grande respiration avant d’enclencher le bouton de la pokéball. C’était un paris risqué mais elle acceptait de le prendre, ses enfants avec besoin de la Feunard. Et elle était prête à tout pour ses enfants.

Risquer sa vie n’était qu’une broutille à ce stade…

« halloween »

La Feunard Baron n’a pas changé d’un poil, comme si le temps ne s’écoulait pas pour elle, maudite qu’elle est par une vie trop longue et trop pleine de deuil. Victoria l’observe sans rien dire se frotter contre elle, sans rien dire, ressentant juste une étrange frustration emplie d’amertume. Encore une fois, elle ressent au plus profond d’elle-même que quelque chose cloche, qu’elle devrait éprouver du remord pour Ayesha. Mais rien, juste un vide agaçant.

Elle doit bien à Gerda quelques caresses avant ce qu’elle va lui demander, non ? Son poil est toujours aussi doux, nul doute que les enfants apprécieront ce pelage digne d’une grosse peluche. La Feunard a toujours était bonne patte, pas du genre à maudire celui ou celle qui lui tirerait la queue, surtout si c’est un mioche.



C’est tout ce qu’elle murmure avant de guider Gerda vers le berceau des deux jumeaux pleurant encore à chaude larme. Elle sait que la renarde ne peut pas faire grand-chose pour des dents qui poussent mais au moins, son pelage chaleureux aura le mérite de réconforter les enfant. En réalité, cela pourrait même lui faire du bien à elle-même qui manque tant de sommeil et qui s’entraine si dur la journée pour obtenir le titre de championne. Les enfants finissent avec leur mère dans le grand lit, couverts par l’une des queues du Feunard comme si ils l’étaient par une couverture.

Victoria reste muette, enfouie contre le pelage de la renarde, ressentant sa chaleur et ses battements de cœur si lents. Elle soupire, las.



L’humaine et la renarde échangent un regard fugace. Un petit sourire sans joie se dessine sur les lèvres de Victoria.



Souffle-t-elle avant de clore les yeux et de se laisser emporter, comme ses petits, par le sommeil épuisé. Demain, elle se réveillera avant le lever du soleil et elle a besoin de toutes ses forces.

Elle se demande un instant pourquoi récupérer la pokéball de Gerda était si important pour elle. Est-ce cela que l’on appelle « affection » ? Pourtant, ce n’est pas la même chose qu’elle ressent pour Balthazar et Magdalene. Elle ressent pour Gerda la même chose que pour Dimitri… Ah oui, ce doit être cela.

Gerda était, est et restera une vieille amie.

« halloween »