Avec toute la haine que Siam voue à Strana, il doit bien admettre avoir un petit faible pour Sankt Duraluburg.
La ville n'a pas été épargnée par la guerre et pourtant, de nombreux bâtiments historiques tiennent encore debout. De la cathédrale aux ruines du palais impérial des anciens Rusalka, des ruelles anciennes aux ponts inspirés de l'architecture kalosienne... c'est une ville magnifique, d'autant plus pendant un beau jour d'été comme celui-ci.

Ça lui ferait presque oublier toutes ces heures de train pour un bête photoshoot. Il se dit qu'au moins, les clichés auront de la gueule dans les magasines. Habillé dans un ensemble bretelles-nœud papillon un peu vintage, il colle parfaitement à la brique beige et grise. Il a hâte de voir les résultats, mais ils n'arriveront sûrement pas avant quelques jours, connaissant ces feignasses de photographes.

Ses responsabilités étant terminées, il peut se permettre un peu de tourisme avant le prochain train pour l'est du pays. Ses pas le mènent vers le grand pont sur lequel il a pris la pose quelques heures plus tôt, cette fois-ci un peu plus vide. Il n'y a qu'une personne, un jeune garçon qui doit avoir son âge, à la peau brune, qui contemple l'eau du fleuve depuis la rambarde.
... drôle de perchoir. Ça suffit à piquer la curiosité de Siam qui s'approche l'air de rien.

Tu fais quoi perché là-haut ? La vue est belle ? demande-t-il d'un ton malicieux.

Ah, s'il savait...

Voilà que le jeune garçon manque de se casser la gueule, surpris par l'arrivée de Siam.
Si le cœur de l'ado en rose ne passe pas loin de la crise devant une telle scène, il n'en montre rien. L'avantage d'avoir eu des cours de théâtre depuis ses quatre ans, il suppose. Il s'en serait probablement voulu à vie d'avoir causé un accident aussi bête. Ou alors, il l'aurait blâmé sur cet idiot suicidaire ayant osé lui donner un traumatisme.

Plus de peur que de mal, heureusement. L'inconnu s'éloigne un peu de la rambarde. Il murmure quelques mots, tout en gardant les yeux loin de ceux de Siam. Il s'en offusquerait presque. Pourquoi ne pas le regarder, lui qui a mis tant de temps ce matin pour se mettre en beauté ? Mais Siam reste logique et serein. Son interlocuteur doit juste être du genre timide.
Sa question fait doucement rire Siam, qui croit d'abord à une blague. Force est de constater que non, que ce garçon est naturellement maladroit. Cela fait dessiner un sourire sur les lèvres du coordinateur. Il est un peu attachant, celui-là. Et puis pas dégueu non plus niveau physique. Il peut tolérer de rester en sa présence le temps que son train arrive, totalement aveugle au fait que lui, peut-être, ne partage pas cette envie.

Non merci. Mais si tu cherches des jolis coins ici, j'en connais ! Je viens de faire le tour de la ville, ça me dérange pas de te montrer ! dit-il d'un ton fier, persuadé que le jeune garçon ne saura pas dire non, je ferais mieux de me présenter. Siam Vasiliev, pour vous servir ! il ponctue sa petite comédie d'une courbette, sûr et certain d'être un parfait gentleman.

Il a l'air du genre timide, ce garçon. Son "enchanté" ressemble plus à une question qu'à autre chose, et il préfère reculer plutôt que de s'avancer. Une personne normale comprendrait probablement qu'il n'est pas très à l'aise, mais Siam est tout sauf normal... ou intelligent.

Il finit néanmoins par lui tendre une main tremblante et se présenter. Siam attrape sa main, feignant de ne pas réaliser sa moiteur. Il l'essuie plus ou moins discrètement sur son pantalon après leurs présentations.

Tymur ? C'est un joli nom ! qu'il lui dit avec un grand sourire.

C'est plutôt mignon, même. Mais il se garde de le dire, pour le moment. Siam connait sa tendance à perdre la raison dès qu'il croise un joli garçon, alors il fait de son mieux pour paraître calme. Heureusement que la chaleur lui donne une excuse pour ses joues rouges.
... à moins qu'il n'ait déjà choppé un coup de soleil. Ça ne l'étonnerait pas, avec sa peau digne d'un Kerosien.

Je suis sûr que tu as déjà vu la cathédrale, de loin au moins. Mais tu devrais voir l'intérieur !

Il part déjà, s'assurant néanmoins que le pauvre Tymur n'essaie pas de lui fausser compagnie. La question que pose le jeune garçon le fait rire autant qu'elle le vexe.

Moi ? Pas question. J'en ai fini avec "l'école", dit-il en mimant les crochets, je suis champion de coordination. Et mannequin à mes heures perdues, proclame-t-il fièrement, d'ailleurs, tu sais que je connais le champion de Sankt-Duraluburg ? Nous sommes collègues après tout !

Un semi-mensonge. Il est vrai que les champions d'arène et de coordination se connaissent un peu, ont déjà partagé des meetings au Palais Pourpre. Mais en dehors de ça, ils interagissent rarement. Sans compter que Siam trouve Mishka... étrange. Toujours à raser les murs et regarder autour de lui comme une proie en panique... il lui attire de la pitié, tout au plus. Des mots qu'il préfère ne pas prononcer devant les jumelles Beliaïev, évidemment.
Ça sonnerait probablement son arrêt de mort.