Ingrid, c’est une gamine qui a été élevée entre l’alcool et les récits de guerre fantasmés d’un daron alcoolique et héroïnomane. Ouais, faut croire que la chute du communisme l’a pas vraiment réussi, le bonhomme. La daronne ? Bah, elle s’est barré quand son mari a perdu ses galons, c’est tout. Ça a fait mal au début mais Ingrid s’est consolé en se disant que c’était une pute, de toute façon. Comme quand son père est mort d’une overdose, c’était un connard, pas de raison de pleurer. Mais avec tout ça, Ingrid, elle a peur de s’attacher aux gens, surtout que dans sa famille d’accueil, l’ambiance est pas géniale.

Ingrid s’est toujours fais une place à elle dans sa tête, bien tranquille, au début c’était peuplé de guerriers, de chevaliers et de robots géants puis bien vite, c’est devenu plus réel avec son obsession pour les flingues et les armes en général. Elle sait pas trop d’où ça vient, ptêt son daron et ses récits de combat ou un truc du genre. Toujours est-il qu’Ingrid elle bricole des trucs de temps en temps, du haut de ses douze ans, elle fait déjà chier les gamins de sa famille d’accueil avec son arbalète en cure-dents. C’est que le début, ceci dit, elle vise plus haut la gamine.

Magnetongorsk c’est rempli de ferraille rouillé et d’usines à l’abandon. Donc c’est un véritable trésor pour qui ose faire un peu d’urbex. Deuxième passion de la jeune fille, explorer les lieux abandonnés de sa ville. Parce que c’est creepy et qu’elle peut récolter de la féraille en douce qu’elle planque au QG. C’est quoi le QG ? Un truc avec sa pote Irina et son frère Leonid, un truc en ruine où ils viennent squatter de temps à autre pour vider des bouteilles de binouze, parfois de vodka, tout en écoutant Ira refaire le monde. Ingrid écoute et se dit que quand même, sa pote la blondinette elle a un pète au casque, mais elle laisse faire. Pour l’instant ça blesse personne.

La conne, si elle avait su…

Au collège, tout devient un peu plus sérieux, un peu plus adulte. Ira elle se fait des connaissances pas très clean mais Ingrid s’inquiète toujours pas, surtout que les cons, ils ont des bons tuyaux pour lui fournir des trucs pas très légaux pour son tout nouveau projet. Un flingue artisanal, mais pas n’importe quel type de flingue artisanal. La mioche, elle se demande si ça serait pas possible de « stocker » des attaques de pokémons dans des balles, ce serait bien pratique, ça. Faut dire qu’elle a de l’imagination, la gamine. On se fout beaucoup de sa gueule mais dans son dos la plupart du temps, faut dire qu’elle fait grave flipper avec son regard de poisson mort et son air constamment neutre.

Bon, déjà sa première arme artisanal elle peut au moins tirer des balles « normales » et buter des gens – en théorie, elle est pas assez conne pour essayer en vrai. Mais elle le garde dans la tête, son putain de projet fantasque. Le reste de sa vie est chiant à mourir de toute façon, elle se fait chier au collège, puis au lycée, avec des résultats bons pour que la famille d’accueil la prive pas de sortie. Famille de putains d’Arkéistes chiants à mourir d’ailleurs, dès qu’elle peut se barrer de chez eux, elle hésite pas. Prier un Dieu qu’existe pas, ça la fait grave chier. L’opium du peuple, comme disait le daron…

Forcément, y a le service militaire qui arrive avec la majorité et putain, qu’est-ce qu’elle se fait chier ici aussi. Le seul truc bien c’est qu’elle peut manipuler des armes, des vraies et elle se prive pas pour les étudier sous toutes leurs coutures. Comme à l’époque, elle s’appelle « Igor » et qu’on pense qu’elle est un mec, bah personne la fait chier, sa pote Irina a pas cette chance et putain qu’elle manque la crise cardiaque en apprenant la nouvelle. Forcément, dans ces conditions, c’est hors de question de poursuivre les études et partir à Thunduruska pour faire les études d’ingénieur militaire dont elle rêvait.

Surtout qu’Ira est encore plus barge qu’avant maintenant.

Faire des trucs illégaux, ça la gênait pas jusqu’à ce que ça dérape et pas qu’un peu. De toutes les personnes possibles, elle s’attendait pas à ce que ça soit Leonid qui bute un gusse. Mais faut croire que la vie est pleine de surprises et pas forcément des bonnes. Alors forcément, elle prend la décision de planquer ce p’tit monde. Elle connait des gens de la team Stal et décide de faire intégrer le petit groupe de criminels en convaincant les recruteurs que des timbrés comme eux, ça peut toujours servir. Puis elle ajoute qu’elle sait bidouiller et traficoter des flingues et ça, ça plait aux employeurs.

C’est dans l’illégalité la plus totale qu’Ingrid trouve donc le sens de sa vie : le trafic d’arme. Ça la détends, elle autiste suffisamment dessus pour pas penser aux gens qui se feront charcuter par ses petites créations qu’elle appelle affectueusement « mes bébés ». Et puis quitte à prendre un nouveau départ, autant le faire jusqu’au bout. Ingrid se découvre femme, elle veut des seins, elle veut un cul, elle veut des formes quoi. Pas forcément pour séduire, juste pour pouvoir se sentir bien dans sa peau autrement qu’en se plongeant dans ses projets destructeurs.

Forcement que le toubib, Livre là, bah il accepte de l’aider. Elle accepte encore qu’on l’appelle « Igor » de temps en temps, c’est chiant mais faut bien leur laisser le temps. Puis ça arrive de moins en moins depuis qu’avec le traitement, ses formes se développent. Surtout que les collègues lui ont appris à se maquiller tranquille. Elle porte souvent du vernis à ongle d’ailleurs, à moitié parti parce que vu qu’elle est manuelle, ça s’en va vite de ses ongles sales et noircis. Plus ça va, plus elle se taille un nom dans le milieu, on lui reconnait le talent de bien retaper les armes, les réparer, les améliorer même. Elle se démarque un peu des autres sbires, gagne du respect, gagne du galon même.

Personnellement, elle s’en fout un peu, du moment qu’on la laisse bricoler tranquillos dans son coin. Pour l’instant, elle a rien shooté d’autre de toute sa vie que des vieilles canettes de Soda Cool rouillées alignées sur un muret. Mais elle est réaliste, elle se dit qu’il y a bien un jour où elle devra se servir de ses « petits bébés » elle-même et exploser la tête d’un type avec. Ça l’angoisse pas tellement, comme le reste des trucs dans ce monde, ça la fait plus chier qu’autre chose.

Il y aurait bien deux trois trucs en plus à raconter sur elle, comment elle a convaincu un collègue informaticien de lui pirater des jeux et des films Cindy. Le fait qu’elle joue souvent dans l’atelier de l’autre Démolosse du patron – avec sa sacro-sainte permission et qu’elle y entasse sa collection de poupées Cindy en prévoyant l’excuse que c’est pas à elle si on la grille un jour. Sans compter les Garage Kit Sailor Lunala qu’elle planque là-bas aussi en utilisant une partie de son matos pour les monter bien-sûr. Mais comme c’est un secret, on va pas trop s’étaler dessus.

La meuf tiens toujours Ira à l’œil et lui a juré qu’au moindre dérapage, elle la trainerait par la peau du cul chez Nikita, le psy du bled. Bon, elle sait pas si elle a la force pour mais c’est l’intention qui compte, on va dire. C’est que la blondasse, là, elle est toujours aussi perchée et qu’Ingrid s’inquiète toujours autant. Mais bon, dans ce royaume de cassos qu’est Kolowal, le petit groupe se fond plutôt bien dans le décor. Et Ingrid se sent enfin chez elle.