Le sang du Peuple

Évidemment, un désastre arrive rarement seul… et Dimitri se doutait que sa petite “aventure” avec Mishka dans les catacombes ne serait que le début. Malheureusement, son intuition se révéla être correcte : la nouvelle du séisme meurtrier à Golurkvaya et les rumeurs qui tournent autour n’avaient absolument pas échappé au Champion de type Spectre, qui n’avait clairement pas attendu pour se rendre là-bas dès que l’occasion se présenta, prévenant aussi vite que possible sa collègue championne de son arrivée prochaine.

Bien évidemment, le vieil homme avait déjà revêtu ses vêtements de cérémonie : même si les catacombes restent son domaine et celui de sa famille, Dimitri était extrêmement calé lorsqu’il s’agit de conduire des cérémonies et autres rituels important en rapport avec les défunts… et si une colère divine était effectivement derrière la catastrophe, mieux vaut agir que de laisser cela empirer potentiellement.

Dire qu’entre cela, et ces histoires d’enfants arrachés à leurs peuples, surtout aux natifs qui sont déjà bien fragilisés par ce qu’on leur fait subir… Cela n’avait rendu Dimitri que plus méfiant envers Genya, comme si cela n’était pas déjà le cas- et il n’avait pas pu s’empêcher de faire part de son inquiétude aussi pour ses enfants à Victoria. Aucune confiance ne restait pour cette fichue Tsarine- et si elle est capable de mettre n’importe qui en danger… Peut-être que Balthazar et Magdalene étaient bien plus en danger qu’il ne peuvent le croire.  Mais sans preuve tangible, tout ce qui peut être fait, c’est de redoubler d’attention et de surveiller sans relâche.

Lui qui cherche toujours à se montrer calme et souriant quoi qu’il arrive, Dimitri portait à présent un visage dur et sérieux, comme il ne l’a jamais été avant ; ce qui se passe à Strana l’inquiète profondément, et le champion ne compte pas laisser les choses ainsi sans rien faire. A peine arrivé à la ville et allé à la rencontre de Svetlana, la championne lui avait parlé de la présence du Ministre de l'intérieur en ville mais pas de la Tsarine- et honnêtement ? Vu son comportement et ce qu’elle avait provoqué, il n’était pas surpris. Peut-être même que si elle tenait à sa vie et à ne pas finir maudite par bon nombre de défunts, mieux vaut qu’elle évite la ville ici ou celle de Dusknograd en général.

Les défunts peuvent se montrer très rancuniers et dangereux. La famille Volkov ne reste pas existante encore pour rien… Surtout qu'eux se méfient de Genya, et que Dimitri la tient responsable de cette catastrophe.

Enfin ; ils n’avaient pas de temps à perdre- pas pour Dimitri en tout cas, qui laisse sa collègue le mener au chemin pour atteindre le sommet du Mont Medved, l’endroit le plus approprié pour mener des hommages aux morts. Comme prévu, ils n’étaient pas seuls : Oktyabrin était présent là-haut de même avec un de ses Pokémon, avant eux.

Dimitri retourne son salut de la même façon, d’un air toujours bien trop sérieux pour ses habitudes- pas qu’il n’ait la tête à être le champion joueur et taquin qu’il est habituellement.

- Toute personne qui souhaite sincèrement rendre hommage est la bienvenue, Fyodorovitch.

Simple, mais clair : il était le bienvenue. N’importe qui souhaitant les respecter et les honorer une dernière fois était invitée à venir participer, de quoi rassurer au moins les défunts qui n’arriveraient pas à partir encore pour l’au-delà. Une réponse que partage d’ailleurs son Noctunoir, sortant de l’ombre de son dresseur avec un léger “hmm” d’approbation.

Svetlana signala qu’elle devait se retirer le temps de préparer la cérémonie, chose que Dimitri répond d’un hochement de tête silencieux. Mieux vaut ne pas la déranger pendant ce temps, alors le vieil homme décide de rester ici pour à son tour constater les dégâts de ses propres yeux. Une triste scène, qui aurait peut-être pu évité si les choses auraient été différentes et que Genya arrêtait de se mêler de choses qu’elle ne devrait pas toucher… Tss, rien que penser à cette dernière pourrait suffire à lui faire revenir sa colère.

Heureusement, le Ministre vient vite chasser ses pensées pour venir lui parler de quelque chose qui lui porte à cœur, au vu de son regard et de sa voix… De l'inquiétude pour Mishka. Il est vrai que cet événement avait bien marqué Dimitri, mais Mishka ? Lui devait aussi porter un lourd fardeau après tout cela. Un instant, le vieil homme tourne de nouveau la tête pour observer la ville, puis son Noctunoir, comme cherchant une réponse à sa question ; celle de savoir s’il pouvait se permettre de révéler les choses à quelqu’un d’autre.

Son regard croisa un instant celui de Torbalan, qui hoche légèrement la tête- et le champion de Dusknograd finit par se retourner de nouveau vers Oktyabrin, le regard et la voix aussi froids que graves.

- … A ma connaissance, non. Ce qui est fait est fait. J’imagine que la présence de Mishka n’était pas un hasard pour m’accompagner.

Après tout… Si même Dimitri avait eu du mal à lutter contre ce qui se cachait au fond des catacombes et qui les “appelait”, alors quelqu’un comme Mishka ? Il aurait dû se douter qu’il ne pourrait tenir mentalement face à quelque chose d’aussi dangereux- mais à la fin, reste qu’il n’avait rien pu faire non plus. Même ses ancêtres étaient en partie perdus depuis tout cela, et le vieil homme détestait cela.

Si sa théorie que la Tsarine a voulu utiliser quelqu’un de faible comme “sacrifice” pour assurer la réussite de leur mission était bonne… Quelqu’un comme Mishka était effectivement le meilleur choix qu’elle pouvait prendre- et Dimitri détestait la voir user de tels stratagèmes contre eux.

Enfin, comme dit Oktyabrin… Ils étaient là d’abord pour les morts, et Dimitri ne peut qu'acquiescer. Entre les défunts, mais aussi leurs familles encore présentes… bien du monde souffrait. Un peuple entier pleurait sa douleur. Et la Tsarine n’était pas là, bien sûr.

Il lui faut quelques secondes, avant que le vieil homme hausse les épaules à son tour et offre une réponse.

- … Elle brille de par son absence- mais c’est peut-être mieux pour elle de ne pas se montrer ici. Les esprits et les spectres peuvent se montrer très dangereux lorsqu’ils ont une chance de s’attaquer à ce qui les a précipité dans l’autre monde.

Quoi qu’elle ait en tête, je doute que son chemin de destruction ne s’arrêtera là. Mishka n’était sûrement qu’un premier “sacrifice” à faire pour cela. Qui sait si elle décide de l’utiliser à nouveau, ou d’utiliser une autre personne assez fragile pour ?

Un soupir, et sa voix ne peut s’empêcher de cracher des mots comme s’ils étaient du poison, bien que la personne en question ne soit pas présente.

- Une personne comme elle ne peut honorer les morts.

Cela serait un affront de faire une cérémonie avec quelqu’un comme Genya, responsable de tout cela- en tout cas, Dimitri la tenait responsable de la situation. Mishka avait été manipulé et ne devait pas être la cible de la colère des spectres. Même son Noctunoir ne peut qu'acquiescer avec de nouveau un petit “hmm”- voir les Volkov et autres spectres s’agiter de tout cela lui faisait bien du mal, à lui aussi.

Mais est-ce que le Ministre de l'intérieur comprendrait ce qu’il voulait dire ? Va savoir. Le Champion l’espère un peu, tout de même- surtout s’il tient autant à Mishka.

Le sang du Peuple

Si ce désastre est l'œuvre de la Tsarine ?

A cette question, Dimitri tourne de nouveau son regard bleu sur le ministre, toujours avec cet air sérieux qui refuse de le quitter, et le regarde un court moment en silence.

Il croyait en la responsabilité de cette dernière dur comme du fer.

Oktyabrin détourne subitement son regard- et le champion le laisse faire sans un mot, retournant regarder l’horizon de son côté. De telles nouvelles à la suite ne doivent être guère agréables à entendre, mais il était hors de question de rester dans le silence après tout cela. Qu’il le croit ou non- eh bien, Dimitri espère qu’il sera assez raisonnable pour y croire un minimum, évidemment. Mais quand il entend les mots que prononce Oktyabrin envers Genya, discrètement…

Il n’aurait pas pensé que ces révélations puissent le toucher aussi violemment. Le champion choisit de ne rien dire- parfois, mieux vaut laisser les émotions sortir un bon coup pour ne pas exploser au mauvais moment… Bien qu’il partageait son avis- et que lorsque le ministre lui demande de faire comme si de rien n’était, le vieil homme se permet l’espace d’un court instant de sourire légèrement, presque amusé.

- Bien que je partage entièrement cet avis que vous venez de prononcer, je ferais comme vous le demandez.

Dimitri n’insistera pas dessus- mais ainsi, Okty pourra se rassurer de savoir que le champion de Dusknograd la détestait au même point de lui souhaiter la mort. Il laisse le ministre s’avancer, observer la ville d’un peu plus près et l'écouter raconter un peu de son passé, en silence. Des liens d'amitié plus forts que la notion de pouvoir ou d’argent… et à la fin, qu’ils aient fait tout pour aider ou non, ils restent ignorés, laissés à leur sort. Le cruel sort de ceux qui sont forcés à être en dessous des élites pour faire tenir la société, ne pouvant s’en sortir même en obéissant gentiment à tout ce qu’on leur demande.

Le vieil homme secoue la tête, avant d’enfin s’exprimer à son tour, sans quitter sa place.

- C’est comme cela que les choses marchent constamment, bien malheureusement. Des promesses d’un monde meilleur en échange d’une loyauté sans faille, d’un travail à s’en tuer à la tâche… Et à chaque fois, c’est ceux qui travaillent le plus qui se retrouvent avec le couteau planté dans le dos.

Tant que la notion de pouvoir est là, il y aura toujours des gens pour profiter des plus faibles afin de prendre la place la plus haute, quelque soit les sacrifices à faire- de toute façon, tant que cela ne les concerne pas personnellement, ils n’auront aucune hésitation à utiliser des innocents. Un cycle où un pouvoir abuse des gens, une révolution ou autre conflit finit par éclater et "changer" les choses avec des gens qui promettent mondes et merveilles, tout ça pour recommencer inévitablement... Le monde est un endroit qui a toujours été cruel, Fyodorovitch.

Il laisse échapper un rire qui n’a aucune joie dedans. Juste du dégoût, de la tristesse pour ce que le monde était. Mais même lui n'échappe pas à cela : s’il est aussi haut et encore en “vie”, c’est parce qu’il doit servir sa place de champion et servir Genya avec pour espérer survivre, et ne pas laisser les Volkov s’éteindre comme bon nombre de natifs- bien que la Tsarine s’amusait bien à utiliser leur propre histoire et savoir pour ses foutus plans. Et en plus de cela… Il doit s’assurer que ses proches, surtout ses enfants, ne soient pas en danger de ses propres actions.

Un faible forcé à devoir travailler contre son gré pour sa propre survie et espérer un meilleur monde… Enfin, c’est le rôle qu’il doit tenir, jusqu’à trouver la faille parfaite pour s’en débarrasser et se mettre contre cette Tsarine folle et dangereuse.

- Briser ce cycle pour de bon… j’ignore si une telle chose est possible. Mais au vu des dangers qui nous guettent en ce moment-même, je commence à croire que le “cycle” que nous traversons est le plus dangereux de tous… et que celui-ci pourrait bien rapidement entraîner tout Strana dans la ruine s'il n’est pas arrêté.

Dimitri n’en doute pas un instant : quoi que Genya essaie de faire… Elle jouait avec quelque chose de trop puissant et dangereux. Quelque chose qui pourrait détruire Strana. Et le vieil homme était prêt à mettre sa propre vie en jeu si cela lui donnerait l’occasion d’arrêter la Tsarine dans son idée idiote.

Son regard revient un instant sur le Ministre, observant si celui-ci comprendrait ou non là où il voulait en venir. Parler de telles choses est dangereux, oui ; mais ici où ils sont isolés, tranquilles, et après avoir entendu l’avis de Fyodorovitch sur Genya… Il espérait qu’ils pourraient devenir “alliés” avec la haine qu’ils ont pour cette Tsarine.

Le sang du Peuple

Un utopiste, donc… bah, Dimitri n’allait pas juger. Chacun est comme il est, bien que… dans un monde aussi sombre que le leur, un peu de lumière sous la forme de personnes joyeuses ne fait pas de mal pour espérer un meilleur avenir. Et puis, vu comment ils sont d’accord… Peut-être qu’ils pourront peut-être le faire, ce bel avenir- s’ils peuvent se débarrasser de Genya, bien évidemment.

Et à cette idée… sûrement que Oktyabrinavait la même pensée, vu les paroles qu’il prononce ensuite. De quoi un peu surprendre le champion, bien sûr- mais il se reprend vite et sourit légèrement, content d’avoir un allié ici, bien que son air sérieux revienne aussitôt à la charge.

- Pour Mishka, je ne saurais quoi répondre, si ce n’est que s'assurer que la tsarine ne joue pas à le lancer dans d’autres choses dangereuses. Il a “tenu” durant notre mission, mais si elle tente de l’envoyer encore ailleurs pour récupérer des reliques… j’ignore s’il pourra supporter une seconde mission du genre.

Quant à Strana… Eh bien, de ce que j’ai pu déduire, Genya semble s’amuser à scruter des documents secrets qui appartenaient à la famille Volkov, mais que le pays nous a volés à un moment donné. Sinon… jamais elle n’aurait été courant de ce qu’il y a dans les catacombes- surtout quelque chose dont j’ignorais moi-même l’existence.

Il soupire- cette histoire l’énerve au plus haut point, mais il doit rester calme.

- Si nous pouvions mettre la main sur tous les documents ayant un rapport de près ou de loin avec ma famille, nous devrions trouver ce qui l’avait intéressé, et nous donner une idée de ses plans. Elle a sûrement déjà dû mémorisé tout ce qui l’intéréssait, mais si nous pouvions avoir une idée de ce qu’elle tente de faire… Nous pourrions sûrement contrer ses efforts et l’arrêter. Peut-être même faire parler de cela dans la presse.

Un haussement d’épaule, suivi de rires de la part de Dimitri, avant qu’il conclut son petit discours.

- Je n’apprécie pas mêler la vie des Volkov avec la presse ou d’autres gens autours… mais le temps est crucial, et si nous pouvons gagner ne serait-ce qu’un peu de temps en leur mettant la pression du public…. j’imagine que c’est un sacrifice qu’il faudra faire.

Oh, Dimitri le sent, le regard de son Noctunoir proche de lui- mais il n’entend aucun son de sa part ou des mouvements de celui-ci. Même lui doit admettre que certaines choses devront être pris pour la survie de leur famille- de Strana tout entière, même. Surtout que l’homme tient fortement à la sienne…

- J’aimerais me montrer plus utile ; mais pour le moment, il faut que je trouve une façon de mettre mes enfants à l’abri au plus vite. Je ne doute pas que Genya sera prête à tout pour nous arrêter dès le moment où l’on deviendra de plus gros risques à ses plans… et je ne peux pas la laisser avoir une occasion de nous arrêter.

Sa voix, son ton, tout le dit : il était bien prêt à faire les sacrifices nécessaires, tant que Balthazar et Magdalene ne sont pas concernés. Et Dimitri allait tout faire pour les protéger.