Si la première interview s'est déroulée à merveille, elle se sent un peu frustrée de ne pas avoir plus parler. C'était sa chance de donner une bonne image d'elle en tant que championne, en plus, le journaliste avait une aura emplie de réelle curiosité. Mais, comme d'habitude, toute la parole est revenue à sa sœur. Tanya, si ouverte et épanouie, comment ne pas partager son enthousiasme communicatif ? Les spectateurs ont du particulièrement l'apprécier. Que pensent-ils cependant de celle dans son ombre ? Elle aurait vraiment du s'imposer un peu plus... Ça a toujours été ainsi, la plus jeune qui les représente toutes les deux. Pas qu'elle pense à mal, ou à voler la vedette, juste qu'elles connaissent bien, et que Tanya la sait timide. Enfin, il y a aussi une part d'inattention de son côté. Plusieurs fois Tyana a voulu parler, se faisant couper avant même d'ouvrir la bouche, sans que sa sœur ne semble le remarquer.

Mais l'aînée ne lui en veut pas, comment le pourrait-elle ? Leur duo est iconique, inséparable, elles sont fusionnelles. Capable de se comprendre sans un mot, juste d'un regard échangé. Parce que leur lien est ainsi fait depuis l'enfance, bien que Tyana soit aussi aidée par son don à lire les auras. Petite, sa cadette était très jalouse de ce dernier, elle se demandait : pourquoi n'était-elle pas spéciale elle aussi ? Heureusement que les choses ont évolué depuis le temps, que cette envie n'est pas restée. L'enfant s'en voulait aussi que Tanya n'ait pas hérité de ce pouvoir, plus une malédiction à ses yeux. Pendant longtemps, ça a été difficile, elle ne savait pas bien le gérer. Il arrivait souvent qu'elle se réfugie derrière sa mère à cause d'un trop plein d'émotions environnantes. Aujourd'hui la jeune femme maîtrise mieux son don, à peu près capable de se protéger de auras trop fortes ou mauvaises. Reste que ça n'a jamais été facile à vivre, de savoir d'un regard ce que pensent les autres.

Là où elle en a le plus souffert, c'est certainement à l'école. Une période charnière, où les enfants sont méchants entre eux. Par chance il y avait Tanya pour la défendre, mais ça ne l'empêchait pas de ressentir la méchanceté de ses camarades à son égard. Sans comprendre pourquoi d'ailleurs. Parce qu'elle était trop timide ? Trop douée ? C'était simplement une bonne élève, qui appréciait apprendre, et travaillait dur pour rendre ses parents fiers. La chouchoute des professeurs, et ça ne plaisait pas. Souvent elle devait canaliser sa jumelle, trop facilement déconcentrée par le moindre papillon passant devant la fenêtre. Leur ressemblance physique est bien la seule chose qui permet de les identifier comme sœurs, car sinon, elles ne pourraient pas être plus différentes. Tyana a toujours été l'enfant calme, sage, le genre qui ne fait pas de vagues. Celle qui parfois inquiète un peu par sa timidité, et qu'il faut encourager constamment pour la rassurer.

Elle admire sa mère depuis l'enfance, ce n'est pas une nouveauté. Megara représente l'idéal pour sa fille, le genre de femme qu'elle aspire à devenir. Si belle, si élégante, tout comme la jeune femme qu'elle est devenue. Donc elle a toujours adoré la voir danser ou concourir en coordination. Monter elle-même sur scène ? Un doux rêve qu'elle n'imaginait pas réaliser. Il a fallu être poussée, encore et encore, entraînée par sa jumelle pour oser. Ses pieds se souviennent de toutes les fois où elles ont pratiqué ensemble. Ses pauvres pieds écrasés par ceux maladroits de Tanya. Une autre chose pour laquelle elle ne lui en a jamais voulu, elle se contentait de rire avant de reprendre. Honnêtement, sans sa sœur, elle n'aurait probablement pas pris son envol. Il a fallu leur duo pour révéler son talent dans la coordination, et il faut toujours que ses collègues la rassurent sur ses capacités pour qu'elle continue à oser. Avoir confiance en elle ? C'est un peu trop lui demander.

Devenir championne ne l'intéressait pas réellement, bien que ce soit une belle opportunité, et un grand honneur. Forcément, Tyana ne se sentait pas à la hauteur, s'imagine déjà qu'on ne va pas l'apprécier à cette place. Rien que la première impression a du être mauvaise. C'est vrai qu'elle a une tendance à la catastrophe, à penser au pire avant le mieux. Pourtant, elle ne devrait pas s'inquiéter d'être acceptée à Strana, son caractère doux et patient fera sans doute des merveilles. Oh les journalistes trouveront sans doute des choses à lui reprocher, comme ils trouvent déjà à créer des rumeurs sur elle et son collègue Fudo. La pauvre jeune femme est bien mal à l'aise devant ces dernières. En particulier parce qu'elle a peur qu'on réalise la tendresse particulière qu'elle éprouve en effet pour le champion de robustesse.

Il lui fallait suivre sa sœur pour éviter qu'elle ne fasse des bêtises - et qu'elles ne soient pas séparées. Sans elle, la coordinatrice n'aurait sûrement pas mis les pieds à Strana. On ne peut pas dire qu'elle porte la tsarine et son gouvernement dans son cœur, bien loin de partager leurs pensées. Un point sur lequel les jumelles sont accordées, toutes deux démocrates dans l'âme. Tyana doit souvent calmer les ardeurs de celle-ci, histoire de lui éviter des ennuis. Dans les faits néanmoins, il y a une autre raison qui l'a poussée à accepter cette place dans la région : Mishka. Leur grand frère, qui ne donne que peu de nouvelles depuis qu'il est devenu champion là-bas. Avec lui, elle se sent capable de parler sans filtre, sans avoir peur des réactions. Ils ont partagé beaucoup de choses, surtout du fait de leurs caractères proches. Quoi de plus naturel que de s'en faire pour lui ? Elle n'espère que le revoir depuis son arrivée dans la région.

Le duo en a fini avec l'interview, et si sa jumelle ne tient plus ne place, elle reste calmement à sa place. Toujours dans cette déception de ne pas avoir plus osé. Cependant, à la question de Tanya, elle se contente de hocher la tête avec un sourire. Oui, Mishka sera heureux de les revoir, n'est-ce pas ?