Il en rageait encore, être viré deux semaines pour un exposé qui ne faisait que dénoncer la réalité des choses et les conditions de vie horribles des peuples natifs. C’était tout bonnement et simplement de la censure déguisée en punition scolaire. Et si ce n’était que ça… Il leur avait pourtant dit et répéter que c’était son idée et pas celle de Vania, qu’il n’avait fait que suivre mais rien à faire. Son ami avait écopé de la même peine et d’une obligation d’aller faire signer le mot dans le carnet par les parents, bien évidemment.

Oh, Maman et le Capitaine allaient être furieux, eux qui marchaient déjà sur des œufs avec cette histoire de Garde Obsidienne. Le Dodrio du Palais Pourpre – Arseniev, Belinsky, Fyodorovich - n’était plus qu’un lointain souvenir, et dire qu’à une époque ils décidaient de tous à la cour et que tous le monde se pliait à leurs ordres. Maintenant c’était une meuf sortie de nulle part avec à peine vingt-et-un ans à son compteur qui décidait de tout. Le monde tournait vraiment à l’envers, il était grand temps pour Genya de partir à la retraite – pour ne plus jamais revenir si possible.

Louison n’avait pas spécialement envie de se faire massacrer par sa mère alors il trainait un peu dans les rues de Stolista, essayant de se préparer mentalement à l’engueulade. La Place Bleue était un endroit assez touristique de Strana car c’est ici que défilaient la plupart des manifestations ou cortèges en tous genre. Ce n’était pourtant qu’un endroit de passage pour le borgne mais il aurait dû s’attendre à être arrêté par une touriste. Son visage se crispa un instant car il n’était pas vraiment d’humeur mais il prit sur lui pour se retourner vers la jeune femme et écouter ce qu’elle avait à dire.

Et… Aïe aïe aïe, c’est quoi ce stranaïte bancale et cet accent unysien à couper au couteau ? Pauvre jeune femme, elle a l’air de faire tâche dans le paysage tant elle n’est pas à sa place. Louison soupire et décide d’user de la langue natale de la jeune fille pour lui répondre – ce sera plus simple comme ça.

« Quel genre de magasin cherchez-vous ? Nous sommes en plein centre touristique, vous trouverez de tout mais il faudra y mettre le prix. » Il ajoute d’un air plaisantin, comme pour essayer de détendre son aînée. « Oubliez les vendeurs à la sauvette, ce sont des attrapes-touriste. Si vous voulez un t-shirt « I Love Strana », il y a une boutique de souvenirs assez sympathique non-loin d’ici. »