Bitchslap

C’en était trop pour lui.

Entre ce qui lui était arrivé, ce qui était arrivé à Ilya, même ces histoires de dons en général, d’enfants utilisés à de cruels fins… et entendre parler de la Garde Obsidienne plus en détails…

Cette accumulation d’événements et de souffrance lié à son don avaient fini par avoir raison du peu de santé mentale qui lui restait.

Depuis qu’il était réveillé ce matin, le militaire était resté enfermé dans son atelier, préparant son équipement comme s’il n’allait jamais revenir à la base. Ce qui était probable, vu l’objectif en tête qui refuserait de le quitter jusqu’à ce qui soit accompli ou qu’il meurt : abattre les scientifiques travaillant pour Genya, ainsi que la Garde Obsidienne. Une fois éliminés, plus personne ne pourra avoir peur d’être utilisé pour Nebulak. Ceux qui en seront morts pourront reposer en paix, et les vivants qui restent pourront enfin cesser de s’inquiéter là-dessus.

Oui… Artyom en est convaincu : il faut abattre ceux responsables dans ce projet, ceux qui y ont activement participé et qui y participent encore, pour le bien de tous.

Lorsque Tolstoï débarque, le militaire ne le remarque pas sur le coup- il était trop occupé à enfiler ce qui ressemblait à une longue cape aux couleurs de la neige, sûrement un truc pour se camoufler dans la toundra… Mais à peine son supérieur aura eu le temps de prononcer quelques mots qu’il se retrouvera avec un pistolet pointé aussitôt dans sa direction, le militaire ne cachant nullement sa colère dans son visage, jusqu’à ce que celle-ci laisse place à la surprise de le voir… Un soupir lui échappe, avant qu’il range l’arme aussitôt à sa ceinture et se remette au travail, refusant d’abord de répondre à la question initiale.

Il espérait qu’Ilya, pour une fois qu’il est présent, décide de repartir et de le laisser faire- ça serait mieux pour tout le monde… mais celui-ci ne semble pas prêt à partir. Pire, les paroles qui suivent- elles font l’effet d’un coup de poignard dans son corps, comme s’il n’avait pas déjà suffisamment mal avec tout ce qui le hante constamment. Ses dents et ses poings se serrent un instant, dans une tentative de ne pas laisser sa colère initiale déborder ici : il faut qu’il la garde pour tuer ces enfoirés qui l’avaient torturé à Magnetongorsk.

Inspire, expire…

Artyom récupère son sac avec lui et se retourne de nouveau vers son supérieur, mais la colère qu’il ressent arrive à déformer son visage, quels que soient les efforts qu’il met pour ne rien laisser percevoir.

- Je vais me venger- je vais venger ceux qui sont tombés ou blessés par la faute de ces enfoirés qui travaillent encore sur Nebulak. Ces scientifiques, cette Garde Obsidienne… Je ne reviendrais pas avant de les avoir tous tués, ou d’être tombé en essayant.

Il approche, prend quelques pas- non pas pour venir plus près d’Ilya, mais pour approcher la porte de sortie que celui-ci bloquait par sa simple présence physique.

- Je ne laisserais personne se mettre sur mon chemin cette fois-ci, Tolstoï.

Son regard brille d’une lueur déterminée comme jamais il n’en avait eu. Il s'en veut pourtant, de devoir laisser Ilya et Rin derrière lui… mais ils seront en sécurité ici, et Artyom refuse de les voir souffrir encore plus. Plus que sa colère, il ne voulait pas laisser transparaître sa tristesse de partir sans ceux qu’il aime, sans ses camarades.

Artyom ne veut pas les quitter, son coeur le crie à chaque battement douloureux, mais si sa vie peut être utilisée pour tous les protéger et protéger des innocents…

C’est ce qu’un vrai soldat doit faire, pas vrai ?

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“Tu ne sais même pas de quoi tu parles” ?

Elle est bien bonne, celle-là- assez pour que sa colère continue de grimper encore et encore, menace de venir éclater sur la gueule de celui qu’il aimait pourtant tant. Mais à défaut de la laisser exploser en lui, Artyom grogne, regarde ailleurs un instant pour “essayer” de trouver ses mots sans avoir Ilya dans son regard, avant de répondre en serrant toujours les dents de rage difficilement contrôlée.

- Dois-je vous rappeler que j’ai été l’un des premiers à me retrouver face à cette foutue garde, et que si celle-ci n’avait pas existé, je n’aurais pas eu à subir et découvrir le retour de Nebulak d’une telle façon ?

Si je dois intervenir pour empêcher d’autres innocents de souffrir à leur tour… c’est quelque chose que je suis prêt à faire.

Et il était prêt à tout pour cela, quitte à y perdre la vie. Ses pas vers la sortie, cet air déterminé… tout le disait. Quelques soient les paroles qu’Ilya allait lui balancer à la gueule, Artyom refusait d’avance de plier à son supérieur et son amour, aussi douloureux que cela soit.

Mais la gifle ? Oh, elle est forte, assez pour le faire vaciller, le forcer à reculer de quelques pas alors que sa propre main vient caresser sa joue rouge et douloureuse… Elle est aussi douloureuse que ces battements de cœur- peut-être même plus, en sachant que de toutes les personnes, c’est lui qui en est responsable. Ses mots crachés avec violence contre son être, une détermination prête à tout pour l’arrêter…

Une force irrésistible contre un objet inamovible.

C’est tout ce que c’était, à ce stade.

Si Ilya doit trouver en Matoochka une alliée dans cet affreux conflit… la Pokéball qu’Artyom sort lui permet de libérer l’allié qui sera sien juste à ses côtés : son Rexilius. Le grand Dragon n’était certainement pas le plus à l’aise dans ce petit atelier et risquait de mettre l’endroit dans un chaos le plus total- mais en avait-il quelque chose à faire s’il n’allait jamais revenir, au fond ? Le Rexilius le sent, comprend les intentions du militaire aussitôt qu’il pose son regard sur ce dernier et qu’ils échangent un regard.

Ils étaient alliés, amis- et tout les deux voulaient la chute de ceux qui les avaient torturés. Anjanath était aussi prêt à tout faire pour atteindre ce but, comme Artyom.

Il grogne aussitôt en direction d’Ilya, tout comme Artyom repose ses yeux bleus sur son amour, sifflant à son tour de difficiles mots mais sincères à son attention.

- Brisez mes os, hypnotisez-moi, enchaînez-moi ou droguez-moi, que sais-je ! Mais je ne m’arrêterais pas tant que mes camarades, tant que vous et Rin, seront en danger !

Des mots sifflés qui partiront en un éclat de voix mêlé autant à de la colère que de la tristesse- un éclat qui sera accompagné par un rugissement du Rexilius à ses côtés, prêt à le soutenir.

Et enfin, Artyom passe à l’action- il charge Ilya de toutes ses forces et de tout son poids pour le forcer à quitter son chemin et à le laisser passer, alors que son Pokémon le suit et s’apprête à s’occuper de la Gardevoir si elle devait tenter quoique ce soit sur son dresseur.

Lui faire du mal ainsi… Le militaire s’en voulait terriblement, mais refuse de le montrer sur son visage- s’il doit partir, il préfère qu’Ilya le déteste pour rendre cette séparation moins douloureuse.

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Du sang.

Les yeux bleus d’Artyom ne pouvaient s’empêcher de fixer ce rouge quitter le coup de celui qu’il aimait avec douleur- il aurait dû en profiter pour fuir, pour mettre son plan à exécution, mais ses putains d’émotions refusaient de le lâcher ne serait-ce qu’un peu, son inquiétude et amour pour son supérieur le fixant sur place bien trop longtemps.

La lumière l’aveuglera- et le choc, lui, ne fera que le surprendre autant qu’il l’affaiblira, se retrouvant à son tour au sol tandis qu’Ilya est au-dessus. Des mots sont prononcés, forcés à être écoutés- la tête du militaire bourdonne entre le choc et les émotions qui l’entourent, autant que par ses propres émotions déjà instables qui deviennent de plus en plus violentes face à celui qui les retenaient, tant les paroles de son amour étaient douloureuses… pire que tout ce qu’il aurait pu entendre avant.

Ce qu’ils ont échoué à faire de lui….

Il le sait, bordel. Il le sait qu’il est un putain d’échec au fond ! Pourtant, ils veulent encore le récupérer, pour faire de “cet échec” une œuvre parfaite ! Et s’il ne les arrête pas… il n’y aura pas que lui- d’autres personnes allaient continuer encore et encore à souffrir de tout cela !

Pourquoi est-ce qu’Ilya ne le comprend pas ? Pourquoi est-ce qu’il le retient ici, avec son putain de pied sur sa gorge à l’étranger à moitié, à le faire souffrir inutilement alors qu’il pourrait user de sa vie pour faire avancer les choses, comme un vrai soldat ?!

Artyom veut le cracher à la gueule de celui qu’il aimait, autant par ses mots que ses émotions- mais ce ne sont que de de pathétiques couinements qu’il arrive à offrir au mieux, le début de larmes commençant à lui piquer les yeux alors qu’il essaie désespérément de comprendre autant que d'expliquer, sans réussir aucun des deux.

Les paroles qui suivent… Le militaire n’écoute plus. Il n’arrive plus à écouter, plutôt. Ses émotions n’en peuvent plus, sa tête non plus- voir celui qu’il aimait être ainsi… ça l’énerve autant que ça le brise, d’être incompris. Il se retourne, finit enfin par libérer sa respiration, laissant Artyom souffrir de nouveau à chaque bouffée d’air douloureuse mais nécessaire pour ne pas s’évanouir, pour ne pas échouer directement à sa propre mission. Son Rexilius finira par s’éveiller à ce moment-là, après de longs instants de sommeil forcé- et viendra aussitôt à ses côtés pour s’assurer de son état, avant de se mettre de nouveau entre lui et son “ennemi”.

Artyom tousse, respire lourdement un instant alors qu’il se relève en prenant appui sur son Pokémon… Et un rire amer finit par lui échapper.

- Détestez-moi, Tolstoï. Ce sera mieux pour nous deux…. Pour la suite des choses.

Il préférait partir et mourir en se sachant inutile et indésirable, pour être sûr que personne ne l’arrête. Un geste d’amour désespéré quelque part… mais le militaire ne voulait pas que les autres le sachent, qu’il fait ça juste pour faciliter sa potentielle mort imminente. C’est stupide, mais c’est tout ce qu’il trouve à faire.

Un geste de sa tête pour son Pokémon aussitôt qu’il finit de parler, lui faisant signe d’ignorer Ilya, et voilà qu’Artyom et son compagnon commencent à marcher pour quitter les lieux et rejoindre la toundra.

Il faut juste qu’il retienne ses larmes jusqu’à ce qu’il quitte entièrement la base. C’est tout ce qu’il doit faire, maintenant…

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Tout se déroule si vite.

Un instant, Artyom se prépare à ne jamais revenir ici, à emporter le plus de scientifiques et de la Garde Obsidienne dans la tombe avec lui…

Celui d’après, il se retrouve au sol, à hurler de douleur et de surprise en sentant l’impact, son bras se briser, son corps s’écraser contre le sol à nouveau- sa tête se cognant bien violemment, cette fois, ne lui laissant pas le loisir de se relever de suite.

Mais ce qui l’inquiète plus, c’est d’entendre le cri de son Rexillius- un cri de douleur enchaîné par le bruit sourd de sa chute, et de légers derniers grognements avant qu’il soit K.O… Artyom tousse, appelle faiblement son Pokémon par son prénom avec de l’inquiétude dégoulinant de ses mots et essaie de ramper pour s’en approcher, s’assurer qu’il va bien-

On le plaque de nouveau au sol. Il a à peine le temps de poser ses yeux bleus et à moitiés brillants de larmes qu’on lui offre un poing dans la gueule sans même qu’il puisse dire autre chose. Encore un.

Et encore, et encore.

Artyom soufre, peut déjà sentir le goût ignoble, familier et métallique glisser sur sa langue et entre ses lèvres sans pouvoir lutter- chaque frappe sur sa gueule ne fait qu’amplifier les dégâts, en plus de lui offrir d’avance de méchants bleus et bosses pour les prochains jours. Enfin, s’il sera encore assez conscient pour s’en souvenir- chaque frappe s'approchait un peu plus de l’obscurité, d’un vide qui semblait presque tentant tant il semblait si calme en comparaison à ce qu’il vivait.

Il n’en voudrait pas à Ilya s’il devait lui arriver quelque chose ici. Il le déteste à présent, Artyom en est convaincu… il l’avait mérité.

Le militaire ne se serait pas arrêté de toute façon, s’il aurait pu.

Alors, il attend qu’un coup final vienne l’abattre pour de bon, et…

Une violente douleur vient aussi le frapper- mais pas physiquement. C’est comme si un hurlement strident lui déchirait l’intérieur de son crâne avec une violence inouïe, assez pour lui tirer un hurlement de douleur, là où les coups de poings l’avaient fait taire. Une douleur partagée aussi avec le fait de ressentir par moment les émotions trop fortes, ne pouvant ignorer qu’Ilya était aussi victime de cette attaque.

Qu’est ce que… ?

Il veut bouger, se relever au fond de lui- mais tout son corps refuse d’obéir, le forçant à rester pathétiquement au sol, à respirer bruyamment et à laisser encore son propre sang couler de sa bouche et de ses blessures accumulées sur la tête.  Ses yeux s’ouvrent, mais…

Il ne voit rien- comme si tout son corps voulait qu’il plonge au plus vite dans l’obscurité pour que la souffrance ne soit qu’un lointain souvenir. Artyom le voulait aussi, oui… mais plus en “ressentant” des émotions les approcher. Il en reconnaît une comme Rin, qu’il cherche toujours à étouffer comme celles d’Ilya, mais l’autre… ? Ugh, il n’arrive pas à se concentrer ni à voir l’autre présence de toute façon, quel intérêt…

La voix de Rin lui fait mal à entendre, encore une couche de souffrance à devoir supporter- mais il ne peut rien faire d’autre qu’écouter, à présent que sa vue et que son corps refusent de lui obéir.

Entendre le nom de Piotr dans la discussion lui tirent un léger son de peur et de douleur- un nom qui hante toujours ses cauchemars, quoiqu’il arrive… mais un nom qu’il devra abattre un jour.

Mais ce jour ne sera pas celui-ci, pas dans son état. Il était aussi fragile qu’un Poussacha nouveau-né.

Artyom tousse de nouveau pour dégager sa bouche et sa gorge du liquide qui ne cesse de couler, tâchant le sol à nouveau avec son sang, et murmurant avec difficulté quelques mots, pour Rin ou Ilya, ou n’importe qui qui pourrait l’entendre.

- Je veux juste… qu’ils ne vous fassent pas de mal, à vous aussi…

Qui ça ? Les scientifiques. Piotr Demikhov. La Garde Obsidienne. Toutes ces personnes étaient un danger à ses yeux… et il ne pourrait jamais supporter si l’un ou l’autre devaient finir entre leurs mains, comme lui l’a été récemment. C’est pour ça qu’il était déterminé dans sa stupidité- parce qu’il les aime trop pour les laisser vivre ce qu’il avait vécu.

Même s’ils devaient le détester, Artyom ne pouvait s’arrêter de les aimer, quoiqu’il arrive. Il était faible là-dessus, mais ça lui allait. Cet amour était ce qui lui permettait de faire bien plus, d'aller plus loin dans ses objectifs…

Même ici, même s’il souffre terriblement et que son corps veut le traîner dans l’inconscience, il refuse- parce qu’il veut rester avec eux, parce qu’il les aime.

C’est peut-être l’une des rares fois ou dans ses propres émotions, son amour arrive à écraser toute la douleur et ses émotions négatives. Peut-être qu’ils pourront le voir, le comprendre ainsi…

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Le temps semble durer une éternité aux yeux du militaire, épuisé par ces attaques physiques répétés sur son corps et visage, tout comme ces douloureux sentiments qu’il ressent- de la haine envers lui-même d’avoir échoué ne serait-ce qu’à partir d’ici, de la haine d’avoir autant d’émotions qui l’empêchent de faire ce qu’il doit faire pour le bien de ceux qu’il aime…

Et pourtant, quoi qu’il arrive, Artyom aime Rin et Ilya. Il n’y a aucun doute là-dessus. Son cœur le crie de toutes les façons possibles- notamment en le gardant encore conscient, même si plus aucun de ses muscles ne semble répondre à ses demandes, même si ses yeux ouverts refusent de lui montrer ce qui se passe. Sa voix avait puisé dans ses dernières forces, et ne faisait plus sortir les mots qu’il voulait dire à ses proches- ce n’était plus qu’une question de temps avant que ses oreilles ne puisse plus écouter les paroles de ceux qui l’aiment, pour le laisser enfin sombrer dans l’inconscience.

Ses yeux ne peuvent temporairement plus percevoir par fatigue et par ces blessures reçues, les laissant regarder dans le vide- mais il n’en a pas besoin. Non, le contact qu’on lui offre soudainement, ces paroles, ces émotions tristes mais avec une pointe de douceur qui sont proches de lui… Il reconnaît celles d’Ilya, qui le gardait contre lui avec des paroles désespérées et paniquées.

Mourir…

Il s’y était préparé mentalement, depuis qu’il voulait aller dans cette mission suicide- mais maintenant ? Artyom ne voulait plus mourir. Pas de cette manière. Il ne voulait pas abandonner Rin et Ilya, pas maintenant. Mais il n’a pas la force de rassurer avec des paroles ou des gestes- il ne peut que laisser son corps se reposer contre celui de son supérieur et l’écouter en silence, en souffrance de ne pas pouvoir agir.

Rin finit enfin par intervenir, par approcher- Artyom reconnaît ces autres émotions proche de lui. Il l’entend parler, venir l’observer- et le bruit d’une gifle résonne et le fait presque vaciller, non pas parce qu’il en est la cible lui, mais parce que celle-ci avait frappé Ilya. Tant de violence entre eux, alors que chacun souffrait déjà assez… Ils étaient pathétiques. Mais ils s’aiment, malgré tout.

C’est vraiment ça, d’être avec des gens qu’on aime..  tenir ensemble, quoiqu’il arrive… C’est en tout cas ce qu’Artyom veut croire.

La main de Rin vient en contact avec la sienne- un toucher qu’il apprécie, aime beaucoup, et de toutes ses forces, il tente de serrer comme si sa vie en dépendait, même s’il était sûr qu’il allait en sortir- il ne veut pas l’abandonner ou la lâcher non plus. Mais ses forces sont presques toutes parties, et ce n’est qu’un léger tremblement de main qu’il arrive à offrir comme réponse- il veut esser, il veut tout faire pour, et tout son être veut le dire.

Mais Artyom puisait déjà dans des forces qu’il n’avait plus depuis un moment pour rester avec eux, comme promis. Enfin, avec Rin à présent… il entend sa voix crier le prénom de son compagnon, ressent les émotions d’Ilya sembler changer subitement- est-ce qu’il… était tombé inconscient ?

… Difficile à dire. Le militaire sait au fond que son tour allait bientôt arriver, et que l’infirmerie risquait d’être là ou il se réveillerait. Il est faible, épuisé, mais…

Tant qu’il le peut, il veut rester réveillé, pour Rin. Même s’il ne peut parler, bouger, faire quoique ce soit- il essaie de garder sa main dans la sienne à défaut de pouvoir serrer.

Juste encore un peu… Il veut juste tenir un peu. Jusqu’à ce qu’on lui dise qu’il peut fermer les yeux et se reposer.

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Il avait attendu, avait tenu avec Rin jusqu’à ce qu’il ait la “permission” de s’écrouler. Toute la fatigue et la douleur lui sont tombés une dernière fois dessus pile à ce moment-là, le laissant s’évanouir à son tour et devant compter de nouveau sur les médecins de la base pour le maintenir en vie et s’assurer que rien ne s’aggrave entretemps.

…

Artyom ignore combien de temps s’est écoulé depuis, mais son réveil est douloureux… enfin, juste un peu, parce qu’il sent déjà ses mouvements échapper encore un peu à son contrôle et être difficile à ressentir- mais en voyant la salle dans laquelle il avait fini… sûrement qu’on lui avait mis de quoi supporter toutes ses blessures qu’il possédait. Ca allait être long- il voit déjà son bras bandé dans tous les sens, et sûrement qu’il devait y avoir encore plus s’il s’y penchait. Mais ça attendra.

Après tout, le militaire ne peut pas ignorer la présence d’Ilya ici, à ses côtés. Il apprenait à essayer de faire “taire” leurs émotions pour ne pas jouer le fouineur et leur donner un peu d’espace personnel, mais ce n’était pas encore quelque chose qu’il maîtrisait en général. Des fois il y arrive, des fois non et sûrement que la fatigue encore présente ne l’aide pas. Mais quand ses yeux bleus se posent sur lui…

Aucune blessure. Comme si de rien n’était, encore.

Pas le temps de s’y attarder, le chef parle. Aucun remord n’est montré sur ce qui s’est passé- et en y réfléchissant, Artyom ne pouvait lui en vouloir. C’était stupide, mais la rage l’avait poussé dans des pensées idiotes sans qu’il puisse se contrôler. Les conséquences d'une telle bêtise étaient à prévoir. Et honnêtement… Mourir sous sa main ? Au moins, ça serait plus rapide et il mourrait entouré de ceux qu’il aime, au moins. Mais il avait survécu grâce à Rin… Le militaire se fait la promesse silencieuse de la remercier, de tout faire pour lui montrer qu’il lui en devait une.

Même si les paroles d’Ilya sont froides ou cruelles, Artyom ne ressent aucune haine envers lui. Non, il l’aime trop pour ça… il tient trop à lui, à s’excuser de son comportement idiot.

Mais il n’arrive pas à parler. Sa gorge est déjà douloureuse de ce pied qui l’avait écrasé, des mots lourds qu’il avait lancé avec- et son mental bloquait tout son d’en sortir. Il avait l’air d’être un poisson hors de l’eau pendant quelques instants… Alors, il tente de lever ses mains et-

Aïe. Son visage se tord de douleur un instant, se rappelant avec violence que l’un de ses bras avait été brisé… et que l’autre avait sûrement dû prendre tarif avec le conflit qui avait eu en général.

Forcé au silence par ses blessures mentales et physiques… pff, le militaire devait avoir l’air d’un clown, mais il doit se résigner : il devra faire sans parole ou geste pour communiquer. Dommage, il aurait tant voulu dire de choses à Ilya ou à Rin, mais ça attendra. Peut-être que ses émotions suffiront en attendant…

Émotions qui reviennent vite de nouveau le hanter et le torturer, lorsqu’Ilya lui annonce la triste nouvelle que Rin était “un des leurs”, par son propre choix- mais elle était empoisonnée à son tour… Oh, Artyom s’inquiète. Il aimerait tant la voir, s’assurer qu’elle va bien elle aussi… qu’elle ne souffre pas de son don comme lui en souffrait. Elle ne méritait pas ça. Leur passé… il n’allait pas les lâcher tant qu’ils n’agissent pas contre. Mais pour l’instant, ils n’étaient pas prêts à gérer ça de suite… pas Artyom, dans son état actuel, en tout cas.

Mais la suite des paroles ? Il ne peut que regarder Iliya avec autant de surprise, que de confusion, d’inquiétude et de peur… Il était celui à l'origine de tout ça ?

… C’est difficile à croire, mais… Artyom ne peut douter de sa parole là-dessus, sur le fait qu’il est le cobaye d’origine. Cependant, il tente de secouer la tête désespérément et difficilement sur le reste des paroles de son compagnon- Ce n’était pas de sa faute… ce n’était pas que son problème.

Le militaire était affecté par ça- non, plein d’autres personnes l’étaient aussi. Ilya et maintenant Rin… Si aller en mission seul essayer de se charger du problème était aussi stupide que suicidaire, très bien : autant qu’ils essaient de se “réunir” pour mettre un terme à ceci ensemble, d’une façon ou d’une autre.

Artyom ignore comment l’exprimer, alors son seul “geste” sera d’utiliser sa seule main encore disponible, difficile à contrôler mais encore en état, pour essayer de prendre celle d’Ilya et de la serrer.

Il veut juste faire comprendre à Ilya qu’il l’aime, et qu’il sera là pour l’aider avec cette mission.

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Une vengeance personnelle… peut-être que ça l’était à l’époque, mais avec ce qui se passait en ce moment et les liens qu’ils avaient à présent entre eux, ce n’était plus le cas. Artyom suivait aussi la Team Stal de base par pur espoir de faire revenir l’ancienne époque- maintenant, c’était aussi parce qu’il veut protéger ceux qu’il aime et apprécie dedans, en plus de vouloir arrêter le pouvoir en place sur son envie de faire revenir d’horribles projets sur des innocents. Tout le monde avait ses raisons d’être là… mais à la fin, ils travaillaient ensemble, c’était le plus important, non ?

Mais… Ilya se montre négatif, encore. Ses paroles sur le fait de ne pas pouvoir survivre après leur combat… Ca fait mal à entendre. Artyom ne sait pas pourquoi, ne sait pas comment il peut déjà “voir” le futur là-dessus, mais l’idée même de perdre quelqu’un comme Rin ou ici, Ilya, le terrifiait et le faisait souffrir. L’une des seules personnes capable de le sortir de son rôle de militaire, d’enfin s’autoriser à être soi-même sans avoir peur, disparaître de la surface de la terre… ?

Même si c’est inévitable, Artyom le refuse. Il refuse de vouloir céder au pessimisme, quoiqu’il arrive. Il faut… il faut qu’il essaie, jusqu’au bout, de l’aider- de trouver quelque chose pour le sortir de là, l’aider avec ce combat, lui permettre de survivre après… !

Un instant, le militaire cesse de bouger, finit même par lâcher sa faible prise sur la main d’Ilya alors qu’il parle de cette fichue Garde… encore des secrets qu’on ne peut lui révéler, mais son supérieur semblait sincère sur le fait que les personnes dedans étaient comme eux, des gens qu’on a utilisé- et ces personnes dedans… Des soeurs pour Ilya.

…

Le regard bleu d’Artyom quitte un instant celui de son supérieur, fixant un moment droit devant lui, dans le vide, comme s’il n’arrivait à se “convaincre” d’accepter ce qu’on lui demande. C’était difficile, oui, parce que ces filles étaient responsables de ce don qu’il ne supportait que rarement- mais si elles étaient comme lui ou d’autres personnes utilisées pour des expériences cruelles… Leur en vouloir était inutile à la fin.

S’ils veulent arrêter tout ceci… ils doivent arrêter ceux qui travaillent sur ces projets- et surtout, stopper Genya une bonne fois pour toutes, coûte que coûte.

Artyom finit par laisser un soupir tremblant et faible échapper ses lèvres après un moment de silence, regarde la perfusion qui le fixait ici un moment… Avant de fermer les yeux, et difficilement, de commencer à se relever de son lit. Oh, même avec les antidouleurs et la sensation de ne pas avoir tout le contrôle sur son corps, il douille silencieusement le militaire, laissant juste son visage se plier sous cette épreuve ; mais rien ne l’arrêterait, pas tant que son “voeu” de l’instant se réaliste.

Celui de prendre Ilya contre lui. Difficile à faire, de rester debout et de ne pas mettre de pression sur son bras cassé- mais il se tait et laisse juste son envie d’aimer étouffer le reste de sa souffrance.

Si un médecin le voyait faire ça, il se ferait engueuler, mais rien à faire. Artyom ne peut s’exprimer, donc il le fait avec le peu de gestes et les émotions qu’il possède encore.

Il trouvera une façon de sauver Ilya, de protéger tout le monde- même s’il faut souffrir encore et encore. Il suivra son amour quoiqu’il fasse- même dans la mort s’il le faut.

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Ilya… Il était convaincu que sa vie allait s’éteindre à la fin de leur combat. Qu’il devra laisser Rin et Artyom ensemble sans lui, qu’ils devront eux-même refaire Strana après la disparition de la Tsarine sans son aide… Toute son énergie, ses derniers instants qu’il doit passer ici- il veut les utiliser pour rendre Strana meilleure et assurer que ses deux compagnons puissent s’y débrouiller, sans lui pour les accompagner ou les aimer.

Guérir une malédiction… ce n’était pas possible. Ce que Rin cherchait ne suffirait pas.

Artyom ne peut qu’écouter en gardant Ilya contre lui, devant retenir tant bien que mal les larmes qui lui piquent ses yeux déjà fatigués et encore affaiblis d’avant. Il aimerait tellement dire de choses, de refuser ce qu’on lui avoue, qu’il ne laisserait pas Ilya tomber- mais sans sa voix ou son énergie, le militaire ne peut qu’assister impuissant à son triste discours, n’ayant que ses oreilles et sa présence physique à lui offrir en retour.

Et pourtant, malgré la tristesse qui émane de ceci, du désespoir que lui ou Tolstoï pouvaient ressentir… Quelque chose en Artyom refuse d’abandonner. Il ne refuse pas de croire à ce que son amour lui dit : mais quelque chose dans son cœur lui murmurait qu’il y avait toujours une solution à tout, et que le cas d’Ilya n’y fait pas exception.

Quoiqu’il arrive, il faut qu’il survive, que le militaire lui prouve le contraire- qu’il aura sa place dans ce nouveau monde qu’ils veulent fonder, sans avoir à souffrir ou mourir pour cela. Artyom doit trouver comment, doit chercher une solution- mais cette fois… Il faut qu’il le dise aussi à Rin, pour qu’elle sache si ce n’est pas déjà le cas. Que ses recherches n’allaient pas aider Ilya plus qu’elle pouvait le faire, qu’il faut trouver autre chose- qu’ils doivent s’entraider pour sauver celui qu’ils aiment.

Même si Ilya veut lui faire croire que c’est peine perdue, Artyom refuse d’abandonner son camarade, jusqu’au dernier moment. Quel que soit les sacrifices à faire, si un espoir existe pour le sauver… alors le militaire serait prêt à tout.

Il prendra soin de Rin, il l’aimera toujours autant même dans le futur et il le sait. Mais il ne laissera pas Ilya tomber. Pas tant qu’un espoir reste dans son cœur.

…

Difficilement, Artyom serre un peu plus Ilya dans ses bras, non pas par crainte de le perdre ici et maintenant- mais plutôt… pour le traîner doucement dans son lit d’infirmerie pour qu'ils soient allongés ensemble. Oh, il est petit et n’est pas fait pour ça, mais le militaire s’en fout. Ils étaient tous les deux fatigués, leurs émotions faisaient mal, et ils avaient besoin l’un de l’autre. Si ça se trouve, c’était peut-être même égoïste de faire, ça, mais… Le militaire voulait passer le plus de son temps avec Ilya. Il espère qu’il ne le perdra pas, mais si cela devait vraiment arriver…

Il veut se faire le plus de souvenirs et de moments possibles avec lui. Des choses qui lui permettront d’avancer sans regret dans l’avenir s’il doit le passer sans sa présence. Des souvenirs qui lui donneront le courage de continuer dans sa vie sans tristesse ou peur.

Artyom veut juste aimer Ilya et le rendre heureux, quoi que l’avenir leur prépare.

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Même si Ilya se laisse complètement faire, que son état presque similaire à celui d’une poupée ou d’un cadavre, sans aucune volonté ou envie de quoi que ce soit, pourrait effrayer… Artyom n’a plus l'énergie non plus de s’y concentrer. Il est vivant, il est là, et un jour, il irait mieux- le militaire ferait tout en son pouvoir pour l’aider lorsque l’occasion se présentera.

Mais ça ne sera pas aujourd'hui. Aujourd’hui était juste ce qu’il fallait de motivation et d’illumination pour se rendre compte de ce qu’il devait plutôt faire, à la place de faire une mission stupide et suicidaire.

Le silence s’installe entre eux, alors que le militaire laisse sa tête se réfugier doucement et difficilement contre son compagnon, se laissant enfin commencer à se reposer maintenant qu'ils étaient côte à côte…

Et puis, un chant. Un chant d’Ilya, faible, épuisé, rouillé… Une voix douloureuse à entendre tel quel, mais qui en même temps, calme Artyom et le rassure étrangement. Son seul bras fonctionnel continue de serrer un peu plus fort l’homme qui chante, faiblement au vu de sa fatigue, mais refusant de le laisser partir sur le moment.

Il sait que ça ne durera pas éternellement, mais… pour une fois, c’est lui qui veut que Ilya reste. Juste le temps de se rendormir, au moins juste ça, c’est ce qu’il espère fortement alors que ses yeux bleus commencent à se fermer.

Artyom sent bien la tristesse qui émane de son compagnon, il ne peut que la voir. Alors par réflexe, il se colle un peu plus contre lui, laisse les attentions de se dernier le bercer avec sa chanson- peut-être qu’il ne peut ni le dire, ni le montrer directement dans son état- mais il espère que le simple son de son cœur suffise à porter son amour à son compagnon, juste avant qu’enfin, il s’assoupisse contre lui, calmement.