Iatrophobia

Venir à Magnetongorsk était probablement l’une des choses les plus suicidaires qu’Artyom avait fait durant ces dernières années. Et pourtant, il était là- habillé en civil, histoire d’être sûr qu’on ne le reconnaisse pas immédiatement. Pourquoi donc allez en territoire “ennemi”, là où on pourrait essayer de nouveau le capturer et le torturer pour le soi-disant “bien de la science” et même son propre bien, comme le diraient ces malades qui servent de scientifiques ?

… Difficile à expliquer même pour lui. Mais une chose était sûre : pas mal de recherches illégales que le gouvernement effectuait, dont celle de Nebulak, devaient avoir lieu ici. Même Piotr y était. S’il voulait en apprendre plus pour mieux saboter l’opération… pas le choix : le militaire devait en apprendre le plus possible, quitte à approcher le danger de face.

Artyom n’était pas loin du laboratoire qui l’avait retenu prisonnier quelque temps auparavant. Rien que voir cet endroit lui donne des frissons, l’envie de vomir, de fuir comme si c’était sa seule chance de survie- mais le militaire se refusait de plier. Et puis… Summer avait été assez gentille pour lui apprendre à mieux faire taire les émotions autour. Pas au point de tout étouffer encore- mais à présent, il pouvait survivre d’être dans des lieux avec pas mal de monde et d’émotions diverses et variées. Tant qu’on ne le surprend pas ou qu’on le déconcentre, il arrivait à garder une certaine barrière : il lui faudrait encore beaucoup de temps pour parfaire ceci.

Avec au moins ça d’acquis entre sa première fois ici et son retour… le militaire se sentait mieux “préparé” pour enquêter sur l’endroit. Mais rentrer dedans ne serait pas aisé, si cela est même possible- il serait bien vite reconnu et appréhendé aussi vite qu’il aura mis un pied là-bas, surtout en pleine journée. Non, Artyom sait bien que cela serait stupide de foncer dans le tas, surtout qu’il n’a pas prévenu ses camarades de sa petite balade en ville… se refaire attraper était interdit. Son plan, donc, était d’essayer d’en savoir plus en écoutant un peu discrètement ce qui se disait des gens qui se baladaient autour- autant à l’ouïe qu’avec les émotions.

Il ne pouvait y avoir que des scientifiques cruels, là-dedans. Il devait bien y avoir des individus dedans qui seraient au courant de ce qui se passe- qui ne peuvent contrôler ce qu’ils ont ressenti en voyant ce qui s’y passe. Artyom était convaincu que si son don pouvait servir à défaut de n’être qu’un horrible poids mort et douloureux… cela serait pour repérer quelqu’un aux émotions étranges dans celles des gens qui passent aux alentours.

Alors, il tourne, tourne encore et encore autour des lieux, sans jamais trop s’y approcher par précaution, mais sans jamais arrêter sa ronde de peur de louper une personne intéressante. Il fera ça pendant ce qui pourrait sembler des heures, une épreuve qu’il avait eu l’habitude de subir avec ses précédentes expériences en tant que soldat…

Jusqu’à ce qu’il ressente quelque chose d’affreusement négatif d’un coup. Assez fort pour que cela lui fasse presque perdre l’équilibre dans ses pas- mais Artyom n’est pas un faible. Cela ne suffira pas à l’arrêter, au contraire- même s’il déteste les émotions négatives qui sont souvent lourdes à supporter, il doit aller à la rencontre de son origine, de voir s’il peut en tirer quelque chose.

Ses pas se feront rapides, dans une marche accélérée, suivant la piste sans jamais se laisser un instant de répit, jusqu’à atteindre un endroit assez calme, avec des bancs… et sur l’un d’eux, celui dont les émotions étaient assez fortes pour l’avoir attiré jusqu’à là.

Un instant, Artyom s’arrête, prend une grande inspiration autant pour se calmer qu’essayer de “calmer” ce qu’il ressentait de la part de cet homme blond- tant d’émotions intenses… il faut qu’il soit sûr, que cet homme vient de ce laboratoire ! Bien sûr, le militaire ne peut cacher un peu de peur de se tromper ou pire, de faire face à un scientifique ou garde qui l’avait vu avant- mais il essaie de prendre son courage à deux mains, avant d’approcher enfin et d’interpeller l’homme une fois assez proche.

- … Excusez-moi ! Vous… Vous êtes bien sorti de “ce” laboratoire, pas vrai ?

Ses yeux bleu clairs vont rapidement vers la direction du fameux laboratoire, avant de revenir vers ceux de l’individu, et de reprendre aussi vite la parole bien qu'avec un peu plus d'hésitation.

- … J’en reviens aussi, il y a peu. Est-ce que nous pourrions discuter un peu ? Je ne vous dérange pas plus après cela, vous avez ma parole.