En équilibre précaire sur ses patins, Mishka se demande pourquoi il a accepté l'offre de Yuri.
Certes, le championne est une personne adorable, qui lui parle toujours avec une voix douce, soucieux de ne pas réveiller son anxiété, et ne lui a jamais montré que de la gentillesse... mais avec ses chevilles encastrées par ces étranges chaussures, il a comme l'impression d'avoir été piégé.

Il prend une longue inspiration. Yuri n'a aucune mauvaise intention. Ça semble impossible venant de sa part. Il aurait simplement dû avouer dès le départ qu'il avait peur de patiner.

Le pire dans tout ça ? Ils ne sont même pas encore sur la glace.

La jeune personne entre en premier, fait une élégante pirouette pour se retourner vers lui qui semble si naturelle... elle lui tend la main et après quelques hésitations, il finit par la saisir, se laissant tirer vers la patinoire.

Il peut sentir le sol changer sous ses pieds. Non seulement, il doit maintenir l'équilibre vertical, mais aussi horizontal, puisque ses patins commencent déjà à partir vers l'avant. Une part de lui sait très bien comment se rattraper et rester debout assez longtemps pour éviter la gamelle, mais l'autre, la plus bruyante, est en panique totale. Il bouge ses bras dans tous les sens et sans cohérence, comme un Krakos.
Au final, c'est Yuri qui le rattrape et l'aide à s'accrocher à la rambarde, non sans un petit rire. Oh, Mishka sait bien qu'il n'y a rien de malveillant dans ce gloussement, mais il ne peut s'empêcher d'être vexé. Même lorsqu'iel lui donne quelques paroles d'encouragement.

Tu es sûr ? Moi je pense qu'il faudrait mieux arrêter le massacre là... dit-il d'un ton amusé, alors qu'il est on-ne-peut-plus sérieux.

Mais même s'il a envie de tout arrêter... même si le plancher des Écremeuh lui manque déjà... il veut faire plaisir à l'une des rares personnes qu'il peut considérer comme un ami dans cette région. On ne peut pas dire que les autres champions le portent dans leur cœur... entre Dimitri qui s'amuse à lui faire des frayeurs, Svetlana et Alina qui le regardent à peine, Victoria qui aurait aimé que sa mère soit fille unique et Grigori... oh Grisha... mieux vaut ne pas y penser. Yuri, lui, au moins, lui porte un peu d'attention, celle dont il a cruellement besoin.

Je... je suis prêt... mais ne me lâche pas, s'il te plait... murmure-t-il presque, honteux.

A le voir se frotter les mains nerveusement, lancer un regard de Pâtachiot à son ami.e puis baisser les yeux, on ne croirait pas voir un homme de presque trente ans. Heureusement, les autres patineurs ne font pas attention à lui. Comme le dit Yuri, ils doivent se concentrer sur leur équilibre plutôt que les autres gens sur la patinoire.

Essayant de faire confiance aux paroles de la champion, il porte toute son attention à sa stabilité. Iel n'a pas tout à fait tort, il y a quelque chose de similaire entre le ballet et le patinage. Mais la scène de l'opéra, elle, ne glisse pas comme s'il portait des chaussures en savonnette. Il prend sur lui, fait de son mieux pour regarder les yeux de Yuri plutôt que ses pieds, et se force à imiter ses mouvements de patin plutôt que de se laisser trainer comme une statue, raide sur ses jambes.

Pour le moment, tout se passe bien, mais il ne baisse pas sa garde.
Et si Yuri le trahit et le lâche... il préfère ne pas y penser.