Si Grace ne porte pas un prénom stranaïte, c'est parce que ses parents essayaient désespérément de s'intégrer dans la région où ils avaient fui. Ils ne parlaient pas un mot de galarien en arrivant là-bas, et on les discriminait parfois pour leurs noms à consonance étrangères. Donc ils voulaient éviter ça à leurs enfants. Deux adorables bambins nés quelques années après leur fuite de Strana. Ils espéraient trouver une vie meilleure ailleurs, loin du régime communiste auquel ils n'étaient pas forcément favorables. Mais plutôt que de jouer les opposants, les parents jugèrent plus sages de partir. A Galar au moins, c'était possible de recommencer à zéro, en tant qu'honnêtes travailleurs gagnant leur pain. Les enfants n'étaient pas prévus au programme, surtout pas la deuxième, mais ils firent de leur mieux pour les élever.

En toute honnêteté, c'est plus le grand frère de la gamine qui l'a élevée que les parents, pas forcément très affectueux ou présents. Oh ils aimaient leurs enfants, à leur manière, de façon très maladroite. Grace ne leur en a jamais voulu, ils faisaient de leur mieux, tout simplement. Et puis ça lui a permis d'être proche de Gregory, son aîné. Sept ans les séparaient, malgré ça, ils se sont toujours bien entendus, le plus grand prenant son rôle de frère vraiment au sérieux. Il surveillait sa petite sœur quand elle jouait pour ne pas qu'elle se blesse, ou l'aidait à manger. Tous deux ont regardé beaucoup de films ensembles, lus de nombreuses histoires, où Grace était la princesse, et lui le chevalier... Ou parfois l'inverse. Bref, une enfance plutôt heureuse.

A l'école, aucun des deux ne se plaçait parmi les têtes de groupe. Des élèves moyens, dans la norme, ni appréciés, ni détestés des professeurs. Les autres enfants, en revanche, s'amusaient à embêter la petite du fait de son nom de famille étranger. Mais ils ne l'embêtèrent pas longtemps, parce que Gregory vint à la rescousse, intimidant tous les gamins qui osaient faire chier sa sœur. Relativement impressionnables à leur âge, ils ont donc vite arrêté, pour éviter que le grand ne revienne les voir. Grâce à lui, elle eut une scolarité plutôt tranquille, même si les techniques d'intimidation fonctionnaient moins à partir du collège. Mais à cet âge, Grace était capable de se défendre toute seule, en plus d'avoir des amis sur qui compter.

Les premiers symptômes apparurent alors qu'elle avait une dizaine d'années. Pas chez elle, non, chez sa mère. Une maladie que les médecins ne parvinrent pas à identifier, encore moins à traiter. Pendant des mois, la jeune fille vit sa génitrice souffrir le martyr avec des symptômes de plus en plus violents. Elle finit sans surprise hospitalisée un jour, après une énième crise, et mourut peu de temps après. Ce ne fut pas la perte le plus terrible, mais bel et bien ces mois de souffrance. Ils éveillèrent quelque chose chez Grace, une peur incontrôlée d'à son tour tomber malade. A la moindre petite toux elle s'alarmait, pensant qu'elle allait mourir elle aussi. Ça demanda des trésors de patience à son frère de la calmer à chaque fois qu'elle chopait un simple rhume.

Probablement du fait d'avoir été témoin de ça si tôt dans sa vie, elle décida vite que sa voie se trouvait dans les études médicales. Pour ça cependant, il fallait être parmi les meilleures. De moyenne, avec un travail acharné, elle passa à excellente. Parvint même à obtenir une bourse pour rentrer dans une école de médecine. Heureusement, parce que sinon il aurait fallu abandonner son rêve, faute de moyens. Elle comptait bien devenir médecin, quitte à passer des années sur les bancs universitaires. Son but à ce moment restait de soigner des gens, cependant il changea en cours de route. Elle se décida finalement à quelques années d'études en plus, pour partir dans la recherche.

Quelle raison la poussa à ce changement ? Gregory. Atteint des mêmes symptômes que leur mère, sauf que chez lui, ça se déclencha beaucoup plus tôt. Il avait à peine une trentaine d'années, et plus beaucoup de temps devant lui. Grace lui promit de vite terminer ses études pour faire des recherches sur sa maladie, trouver un moyen de le guérir. Malheureusement, il décéda peu de temps avant la remise des diplômes. En prime, avec deux cas dans la famille, les médecins jugèrent que la maladie avait un fort facteur génétique. Donc de fortes probabilités d'un jour se déclarer chez elle aussi. La nouvelle eut un effet dévastateur, notamment sur sa paranoïa des maladies. Porter un masque, des gants, se laver les mains toutes les dix minutes... Autant d'habitudes qu'elle développa pour se protéger. Mais désormais, elle avait un but clair : faire des recherches sur cette maladie en particulier, trouver un moyen de la contrer.

Ayant trop de souvenirs de son frère à Galar, la jeune femme décida de déménager. Un choix également motivé par l'arrivée récente d'une tsarine dans la région natale de ses parents. Pourquoi ne pas aller découvrir Strana, maintenant que le communisme n'était plus là ? En plus, ils allaient certainement avoir besoin de chercheurs pour aider à rehausser le pays. Bingo, car trouver du travail ne fut pas trop compliqué, une place de choix dans les laboratoires... A condition de fermer les yeux sur ce qui pouvait parfois s'y passer. Qu'elle approuve ou non, Grace sait quand fermer sa gueule, et là était le bon moment pour ça. De toute façon, ce n'est pas à elle de juger ce que le gouvernement fait, donc elle se concentre simplement sur son travail.

On l'a toujours reconnue pour son sérieux à Strana, pour les bons résultats qu'elle donnait dans le domaine médical. Malgré les quelques avancées dont elle peut se targuer, elle les trouve toutes inutiles, puisqu'aucune ne peut rien contre la maladie se famille. Les jolies promesses qu'elle finira par trouver quelque chose ne suffisent bientôt plus. Elle veut le remède miracle, de suite. Alors on l'encourage à viser plus haut. Si elle peut éradiquer cette maladie, pourquoi pas toutes les autres ? Pourquoi ne pas trouver un moyen de tout guérir ? Ouais, elle s'est vite laissée séduire par l'idée, de quoi la faire continuer à travailler d'arrache-pied. Certains trouvent dommage qu'elle soit tout le temps enfermée dans les labos, parce que c'est une plutôt belle femme.

Ça ne se voit juste pas vraiment sous sa blouse et son air fatigué. Pourtant, si elle prenait soin d'elle, elle pourrait faire quelque chose de sa chevelure bleu azur, accordée avec ses yeux. Mais ça ne l'intéresse pas, seules comptent ses recherches. Obsédée ? Plutôt oui. Grace nourrit une obsession pour l'idée de trouver le remède à toutes les maladies. C'est possible, elle le sait.