Tolstoï a encore merdé.
Enfin, ça, c'est une réflexion que Volodya garde pour lui. Mais il doit avouer que les décisions du boss l'interrogent ces derniers temps. Depuis qu'ils ont retrouvé l'autre gamine - Summer s'il se souvient bien, Tolstoï s'est mis en tente que la meilleure défense face aux gangs rivaux serait l'offense. Et vouloir faire respecter la Team Stal en soit, pourquoi pas, mais si c'est pour envoyer la moitié de la team au casse-pipe...

Résultat : les survivants s'entassent dans l'infirmerie, râlant comme des morts-vivants. Livre et Mint sont dépassés, sans parler de Cassandre qui est en panique totale. C'est d'ailleurs pour ça qu'il l'a appelé, il a besoin d'un service.

Il s'attendait à tout sauf à ça.

Ses yeux bleus rencontrent ceux de Summer, qui semblent toujous tremblants et tout pleins de larmes, comme ceux d'un Vivaldaim. Lui n'affiche que de la confusion et du dégoût. Envers la gamine ? Non. C'est plus une forme d'angoisse qui prend possession de lui. Il n'y connait rien en gamins, merde ! Il était le plus jeune de sa fratrie et la façon dont on l'a traité, eh bien... disons juste que s'il faisait ce genre de choses à Summer, Cassandre l'égorgerait sans hésiter (et il aurait bien raison).

Pas le temps de débattre ou de lui cracher qu'il n'est pas sa baby-sitter. L'infirmier a déjà fait demi-tour pour aller s'occuper d'un de ses milliers de patients. Volodya soupire et lance un regard défait à l'enfant. Bon, ok, elle est plutôt mignonne à s'accrocher à lui comme une bouée de sauvetage, mais il ne sait toujours pas ce qu'il est censé faire. Cassandre lui a bien donné des instructions mais ça lui semble aussi naturel que de baiser en suivant les instructions d'un manuel de construction. Et puis, ces phrases en kantonien...

Il en essaie une, tente de dire bonjour à Summer, mais elle se contente de pencher la tête sur le côté comme un Ponchiot perdu. Ok, visiblement, son accent est nul à chier. Ça partira plutôt sur une communication par dessin, puisque le cadet Arseniev lui a proposé cette technique aussi.

Dans une pièce loin de l'infirmerie, pour ne pas entendre tout le chaos qui y a lieu, il l'observe gribouiller, assis à côté d'elle, avec curiosité. Pas mal pour une gamine. Elle a quoi, moins de dix ans ? Et pourtant il reconnait ses personnages. Artyom avec ses pecs de Tauros, Irina, représentée comme plus petite qu'elle, et même Tolstoï avec sa chevelure de princesse Wattouat Disney.
Elle semble plutôt fière d'elle quand Volodya les nomme en les pointant du doigt.

Finalement, ce baby-sitting improvisé se passe plutôt bien. Summer semble apprécier le calme autant que lui. Elle n'essaie pas de lui parler dans une langue qu'il ne comprend pas et il n'a pas besoin de s'humilier avec son Kantonien pourri. Il la laisse faire sa vie, sourit quand elle lui montre son dessin et elle retourne à son papier et à ses crayons sans trainailler. Il s'estime plus qu'heureux qu'elle ne fasse pas de "crise" comme s'en inquiétait Cassandre.

Oh, un nouveau dessin.
Cette fois-ci, il reconnait les cheveux blancs - gris à cause des contraintes de crayons - de Cassandre et... oui, c'est bien lui avec son sourire en coin et ses binocles sur le nez. Il n'avait même pas remarqué les regards qu'elle lui lançait en tentant de le dessiner. Il rigole doucement avant de réaliser ce que Summer a vraiment dessiné.
Un parapluie ? Il ne comprend pas vraiment l'intérêt de le dessiner sous un parapluie avec son ami. Il pointe du doigt ce détail avec un regard interrogateur, et Summer se remet au travail. Cette fois-ci, c'est un petit cœur qu'elle croque au dessus de leurs têtes.

Et Volodya ne sait pas s'il doit rougir ou rire.

Un peu de deux.

Il secoue la tête et demande un crayon à Summer, qui lui tend avec hésitation. Il raye ce vilain cœur, dessinant un petit visage jaune souriant à la place. Peut-être qu'elle comprendra ainsi qu'ils sont "amis".
Il se retourne vers elle et son sourire retombe. La gamine fait la moue. Elle semble même sur le point de pleurer.

Merde. Merde. Merde merde merde.
Il ne sait pas réconforter un enfant qui pleure ! Il ne sait réconforter personne, mais encore moins les mômes ! Et en plus d'être sacrément gênant, qui sait ce que Cassandre lui fera s'il apprend qu'il a fait pleurer sa protégée ? Arg, tant pis pour la vérité, autant faire plaisir à Summer. Elle peut bien croire que son papa a un amoureux si ça l'amuse. S'armant d'un pastel rose, il dessine le plus beau cœur donc il est capable.

Et déjà, Summer sèche ses larmes.

Une part de Volodya ne peut s'empêcher de se demander si elle savait ce qu'elle faisait. Non... une si petite fille ne peut pas être manipulatrice, quand même ? Il a quand même l'impression que c'était de grosses larmes de Chochodile tout ça. Enfin... il préfère ne pas trop y réfléchir. Il décide de ne plus contester ses dessins. La laisse écrire "mama" à côté du visage de Cassandre - il admet que c'est plutôt drôle. Même s'il a peur qu'avec ces bêtises, elle ne se mette à l'appeler "papa".

Non, il est trop jeune pour ça... et il s'est juré il y a longtemps qu'il n'aurait jamais d'enfants.
L'hystérectomie c'était pas pour le fun. Au final, tout se passe bien, mais il ne peut s'empêcher d'avoir une petite angoisse au fond de son être. Celle qu'il vient accidentellement d'adopter une gamine.

La journée est longue, et Summer finit par s'assoupir. Volodya n'a pas le temps de comprendre ses intentions que la gamine a déjà posé sa tête sur ses genoux et s'est endormie. Les bras levés comme s'il venait de se faire toucher par une arme nucléaire, le jeune homme est plus tendu que la corde d'un arc. Génial ! Il fait quoi, maintenant ? Il n'a jamais été très câlin, vu les parents qu'il avait... et même si son père biologique est un ange, il l'a connu à un âge où on ne fait plus de gros câlins à son papa.

Main tremblante, il pose sa main sur les cheveux de Summer, qui, sans pour autant bouger d'un poil, laisse échapper une petite plainte. L'espace d'un instant, il craint d'avoir fait une grosse bêtise, mais finit par comprendre que ce petit bruit digne d'un Skitty ne lui demande pas d'arrêter de la toucher mais plutôt de lui caresser la tête. Il a l'air malin, comme ça... mais il doit avouer qu'il est... presque attendri. Quel con, ce Cassandre, à lui faire ressentir des émotions via sa fille adoptive...

Et en parlant du Lougaroc...
Cassandre finit par entrer, discrètement pour ne pas réveiller l'enfant. Les deux jeunes hommes échangent quelques mots à voix basse. L'albinos s'amuse d'un certain dessin de Summer, et Volodya souffle du nez aussi en s'en souvenant. Il préfère ne pas lui raconter toute l'histoire, cependant, toujours persuadé qu'il serait fâché de savoir qu'il a contrarié sa fifille d'amour.

Cassandre vient s'assoir à côté de son ami, complètement lessivé par le rush à l'infirmerie.

Alors ? Tu ne vas pas à ton entrainement finalement ? plaisante Volodya, lui qui pensait que cette tête de Tiboudet partirait courir dans la toundra avec ses copains militaires.

Mais il n'obtient aucune réponse. Parce que Cassandre aussi s'est endormi sur son épaule. Le voilà bien... il s'estime déjà bloqué quand c'est Vermine qui dort sur ses genoux, mais cette fois-ci, il a vingt fois plus de poids sur lui. Et ce n'est pas tant la masse qui le dérange que la situation. Il n'a jamais été du genre tactile. La chaleur humaine, ça ne le connait pas vraiment, et il estime ne pas en avoir besoin. Mais... il se sent bien. Il ne sent... vulnérable... et un peu fatigué aussi.
Il engueulera Cassandre pour l'avoir fait se sentir si faible, oui. Mais d'abord, il va fermer les yeux... juste une seconde.