SurviveSolo

Comme il s’y était attendu, Artyom était retourné à sa chère toundra, plein de rancune et d’amertume évidement. Tolstoï s’était contenté de prendre ça « à la rigolade », encore une fois, de dire qu’Artyom était un mauvais perdant ou truc du genre, les sbires riaient avec lui. C’était assez simple de cacher ses vrais sentiments, des sentiments qu’il ne comprenait pas vraiment. Trahir des gens ne lui avait jamais laissé un tel dégout auparavant. C’était frustrant, surtout que cet acte ne pouvait vraiment être qualifié de trahison au vu des circonstances.

Rin s’était retrouvée ignorée et laissée à elle-même pendant un bon moment, la plupart des directives concernant les affaires de la team ne lui étaient plus confiés que par missives. Encore une fois, pour une raison qu’il ne comprenait pas, Tolstoï n’avait pas envie de se confronter à elle. Il n’avait envie de rien en réalité, si ce n’était que de rester à son bureau et de remplir de la paperasse, se vidant la tête de toutes pensées intrusives. Il ne voulait pas se rappeler de ce qu’il avait vu « là-bas » et pourtant, cela revenait sans cesse, s’accrochait à lui et lui polluait l’esprit. Si bien qu’il s’était retrouvé à partir lui-même dans la toundra pendant quelques temps, à envoyer Nemo se défouler sur quelques pokémons. Il était certes un soldat d’élite mais il n’avait pas vraiment la capacité d’attaquer un Ursaring à main nue, aussi préférait-il se replier sur de plus petites « proies ».

Ce jour-là, il était donc revenu les poings en sang et l’air glacial qui ne donnait à aucun de ses sbires l’envie de l’aborder, même pour lui parler de choses urgentes. Plus ça allait, plus l’ambiance devenait lourde au sein de la team de toute façon, on évitait de parler au chef le plus possible. Mais ce jour-là, alors qu’il rentrait dans ses appartements, il avait vu Rin l’attendre d’un air tout aussi froid que lui devant son bureau. Un lourd soupir s’échappa de sa gorge et il lui fit signe d’entrer d’un signe de tête. Rien de bon n’allait sortir de cet échange mais il semblait essentiel, il fallait croire.

Ma très chère Katerina, que me vaut votre visite ?

Demanda-t-il en s’appuyant contre son bureau, lui lançant un regard blasé fait pour passer le message « tu me fais déjà chier, dégage sinon ça va mal se passer ». Mais bon, Rin n’avait jamais été très douée pour décrypter ce genre de chose et elle était allée droit au but.

Pourquoi avoir trahit la confiance d’Artyom ainsi ? Demanda-t-elle d’une voix pleine d’amertume et de rancune mal dissimulée. Sans compter votre absence à mon égard, ne sommes-nous donc que de simples jouets à votre disposition ?

Les yeux mi-clos, Tolstoï réfléchissait une une réponse mi Figuy mi Resin. Mais tout ce qu’il s’entendit dire le laissa lui-même dubitatif. Il n’avait contrôlé aucune des paroles qu’il avait prononcé, il avait traité Rin comme si elle n’avait été qu’un sbire lambda.

Je n’ai pas à me justifier auprès d’une simple Laborantine, Demikhov.

Bon, la claque qui avait suivi, il l’avait vu venir, il aurait pu la stopper mais n’en avait rien fait. Le bruit avait raisonné dans la pièce, Rin n’y était vraiment allée de main morte. Ce qui lui arracha un nouveau soupire de lassitude en essuyant le filet de sang perlant au coin de ses lèvres. C’est un regard des plus froid, presque méprisant qu’il lui avait lancé en retour.

Satisfaite ?

Il crut un instant qu’il allait s’en recevoir une autre mais non, rien. Rin gardait le regard rivé sur le sol. Et son regard, Tolstoï aurait préféré ne pas l’apercevoir. Elle pleurait clairement, cela lui tord les tripes mais il refuse de l’admettre et se dirige nonchalamment vers son bureau. Après un court silence, il finit par relever la tête, observant Rin d’un air blasé avant de demander d’une voix tout aussi blasée.

Quelque chose de capital à me dire ? Les drames quotidien des sbires de la team Stal ne m’intéressent guère.

Rin le fusille du regard une dernière fois avant de partir, claquant violemment la porte derrière elle. Paf, juste comme ça, il vient de perdre la dernière personne qui lui restait. Bravo Tolstoï, un vrai génie. Cela le soulage autant que ça le détruit. Il reste un long moment assis à contempler les divers formulaires qu’il doit remplir au plus tôt et s’apprête à se saisir de son style quand une douleur immense remonte le long de son bras pour embraser ses poumons, il tousse, grimace et se lève tant bien que mal pour chercher les opiacés qui auront au moins le mérite de calmer sa douleur.

Constat désagréable de voir qu’il ne lui en reste plus en réserve. En demander à Rin après ce qu’il vient de lui dire ? La bonne blague. Bah, il a juste à attendre, ça passera. C’est dans un bruit sourd qu’il s’effondre au sol, tremblant et étouffant ses gémissements de douleur pitoyables. Le voilà replié en position fœtal, essayant de calmer sa respiration instable face au mal qui dévore tout son être.

Ironie dramatique… Non, plutôt retour de karma. Ça aurait quelque chose d’amusant si il n’était pas le protagoniste de cette sinistre farce. Maintenant, immobile et sans défense, il ne peut que laisser les souvenirs les plus sombres le hanter et le déchirer de l’intérieur. Il essaye d’étouffer les sanglots du mieux que possible. Il essaye aussi de relativiser tant bien que mal, ce n’est pas le pire qu’il ait subit jusqu’à là.

La solitude a beau lui bouffer les tripes, elle ne lui est pas inconnue.

Il s’y est déjà habitué une fois, il peut bien le refaire.