En ce jour de Saint Valentin, il était important pour Rodion de bien s'apprêter. Ce n'était pas tant une date important pour lui que pour son porte-monnaie : les célibataires en détresse émotionnelle n'étaient pas ce qui manquait, à Strana, et si au début il les trouvait un peu pathétique, les années lui ont passé l'envie d'y accorder tant d'attention. On lui demande de boucher un vide ou de faire oublier l'existence même de ce dernier, pas de retourner le couteau dans la plaie ! Puis il avait l'avantage de voir la date venir et donc de pouvoir abattre un maximum de travail les jours précédents, histoire d'avoir la conscience tranquille : si le 14 n'était pas de tout repos, il avait au moins le loisir de rattraper ses heures de sommeil le lendemain.

... Enfin, il avait encore une course à faire à la faculté des sciences avant de pouvoir commencer sa journée. Il avait confié un fossile à un ancien camarade de classe mais ce dernier n'avait pu finir de le restaurer hier, obligeant le chercheur à faire un saut à l'établissement de bon matin. A voir tout ces étudiants roucoulant dans les couloirs, l'homme se demandait vraiment ce que les gens avaient avec cette date : possiblement car il n'a jamais été en couple, ne voyait pas l'intérêt d'afficher au monde son âme sœur... Ou alors parce qu'il croyait, naïvement, qu'on ferait ça tout au long de l'année et non un jour spécifique du calendrier. Si c'était un concours de "qui est le plus heureux de sa moitié", peut-être ses clients n'étaient pas les plus méprisables à ses yeux.

Arrivé sur place, son ami le salua avec bien trop de hâte avant de lui prendre le bras et le conduire jusqu'au Hydragla revenu à la vie : il faut dire que la bestiole... Avait visiblement fait comme chez elle, actuellement occupée à essayer de croquer un câble (et échouant lamentablement, n'ayant pas la souplesse de pencher sa tête dans le bon angle). Qu'est-ce que Rodion comptait faire de ce truc ?... Lui-même en sait trop rien.

" - Merci encore d'avoir accepter de me dépanner. " s'adressa t-il à son ami, cordial.

" - Pas de soucis, si tu trouves des fossiles hésites pas à me les ramener !"

Une interaction normale, jusqu'à ce que tombe la question fatidique.

" - Maintenant que c'est plié, tu as un truc prévu aujourd'hui ?"

"Bah là je vais aller à l'appart que j'ai loué pour la journée, histoire de m'enchaîner une dizaine de plan cul" n'étant pas une réponse socialement appropriée, Rodion choisit l'option du rire gêné et du secret. En toute honnêteté, il y avait des jours comme aujourd'hui où il baisait d'avantages pour se remplir la bourse que se vider les bourses : mais c'était le travail, un qui ne regardait pas vraiment ce collègue d'ailleurs. Ce dernier croyant à un rencard, il le renvoya sur sa route avec une bonne grosse tape dans le dos et quelques encouragement. Par chance, faire le trajet aiderait Rodion à se remettre dans le bon état d'esprit : il n'a jamais connu de cas où il se serait retrouvé "en panne" face à un client et il ne comptait pas commencer aujourd'hui.

L'amour... Voilà un sujet qui ne le passionnait pas. Il savait qu'il ne pourrait éternellement faire le trafic de ses charmes et, à ce moment, regretterait peut-être son célibat : mais s'il avait la preuve d'être désirable charnellement, le chercheur doutait fortement que le reste de sa personne intéresse qui que ce soit. C'était plus simple de partir du principe que non que de se poser des questions inutiles telles que "existe t-il seulement une personne pouvant passer outre mon manque de thunes, mes origines douteuses et les débauches auxquelles je me suis dédié ?" ou "est-ce que je vais finir ma vie seul, avec des bestioles cheloues comme celle que je viens de ramasser ?". Le sexe sans lendemain à l'avantage de le satisfaire à l'instant, sans avoir à penser à l'avenir.

Solo